5 avril > Roman France > Maurice Raphaël

Il aura fallu que Patrick Modiano en fasse un des personnages, une des âmes errantes, de Dans le café de la jeunesse perdue (Gallimard, 2007), pour que Maurice Raphaël - de son vrai nom Victor Marie Lepage -, après une longue période de purgatoire, sorte de l’oubli, ou au moins suscite à nouveau de l’intérêt. Curieusement, pour un auteur aussi intimement parisien, ce début de renaissance se fera sous l’égide de maisons d’édition bordelaises. Ce sera d’abord en 2013, et sous le pseudonyme d’Ange Bastiani qui était celui qu’il réserva à ses romans noirs, à L’Arbre vengeur, son Bréviaire du crime. Au printemps dernier, L’Eveilleur se fendit d’une belle réédition des Mauvais lieux de Paris, et voilà qu’aujourd’hui Finitude exhume l’un de ses plus beaux livres, l’un des plus authentiquement "littéraires" également, ce Feu et flammes initialement paru chez Denoël en 1953 et qui fut à deux doigts d’obtenir le prix Interallié, ce qui aurait bien arrangé ses affaires éditoriales. Il fut un temps, lorsque Eric Losfeld le publia dans les années 1960, où l’on évoquait Céline à propos de Raphaël. Son style rageur, ratiocinant, volontiers argotique, s’y prêtait, mais aussi hélas, les choix politiques pour le moins contestables que, jeune homme, il put faire durant l’Occupation. Mais il n’était pas Céline, et plutôt plus proche d’un Boudard ou d’un André Helena. Et bien que loué dès son premier livre par Raymond Guérin, sa réputation littéraire en souffrit.

Pourtant, à lire ce Feu et flammes, sa puissance romanesque ne peut qu’impressionner. L’histoire est simple. Simple comme peut l’être la tragédie. Un 15 août, Suzanne et Louis, jeunes mariés, partent pique-niquer en forêt. Sous le soleil, le feu prend. Et c’est leur journée, leur amour, leur vie qui sont bientôt insidieusement remis en question. C’est un huis clos, mais à ciel ouvert, à ciel rougeoyant. Et les flammes qui environnent les deux jeunes gens ne sont ni celles de la passion, ni vraiment non plus celles de l’enfer. Raphaël maintient un tempo fascinant à chaque page tandis que montent les périls, que grandit la peur. Et que surgit de loin en loin, comme un mirage, la tendresse. Olivier Mony

09.03 2018

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