La fin d’année a vu surgir, comme les millésimes précédents, une colossale quantité d’ouvrages à peine reçus en cadeaux et sitôt proposés à la vente sur Internet. En septembre dernier, la sénatrice Marie-Christine Blandin s’était d’ailleurs émue, dans une question écrite à la ministre des PME, du marché des livres d’occasion présentés sur internet comme des livres neufs. Rappelons que bien avant que le grand public ne s’adonne à cette pratique fâcheuse pour le véritable marché du neuf, les journalistes furent les premiers à fournir en abondance les libraires d’occasion. Les exemplaires de presse abondent d’ailleurs, dans certaines librairies parisiennes d’ancien et d’occasion, où ils sont proposés à prix réduit, et parfois même avant leur date officielle de mise en vente…     Cela ne va pas sans irriter les éditeurs, mais surtout chagriner les auteurs, qui ont passé parfois plus d’heures à soigner leurs envois à la critique influente qu’à fignoler leur manuscrit.     Le premier point est donc de savoir si la revente de ces exemplaires de presse est juridiquement possible. Tout dépend des mentions que l’éditeur a pris soin d’apposer sur les ouvrages ou au sein du prière d’insérer.     En cas d’absence totale de précision de la part de l’éditeur, le livre change de propriétaire au profit du journaliste. Et le destinataire peut donc le revendre comme bon lui semble.     Il est difficile pour une maison d’interdire formellement la revente. Il lui est toujours possible d’apposer un tampon rageur (libellé généralement « Service de Presse ») sur chaque livre ; lequel tampon n’aura pas de valeur autre que de faire chuter le prix de revente possible de l’ouvrage.     Quant à l’indiquer sur les documents annexes édités par les attachés de presse (prières d’insérer), cela ne représente pas une mesure très coercitive.     Le paradoxe réside aussi dans le fait qu’en droit, il est difficile d’interdire au propriétaire d’un objet de s’en dessaisir.     Il est en revanche plus facile de fixer une date aux termes de laquelle l’ouvrage ne peut être vendu avant la mise sur le marché « normal ».     Reste le problème du prix. Pour un service de presse, l’argument selon lequel la revente pourrait voir lieu à n’importe quel prix ne tient pas vraiment. En effet, aux termes de la loi Lang, pour qu’un livre puisse être vendu avec une remise supérieure à 5 %, il faut que l’exemplaire soit de seconde main. Or, selon la doctrine du ministère de la Culture, telle que formulée dans la brochure Prix du livre mode d’emploi, un livre d’occasion doit avoir fait l’objet d’une vente préalable. Ce qui n’est pas le cas des exemplaires de services de presse, offerts et non vendus aux journalistes. Il est même indiqué : « Les livres d’occasion ne rentrent pas dans le cadre de la loi du 10 août 1981. Est considéré comme livre d’occasion un ouvrage qui a déjà été acheté une fois par un consommateur final et qui a été revendu à un grossiste, un soldeur ou un détaillant. Un livre en mauvais état n’est pas forcément un livre d’occasion : quel que soit son état, il ne peut être soldé que dans les conditions prévues par (…) la loi ». C’est également le point de vue qu’avait soutenu Hubert Tilliet, ancien responsable juridique du SNE dans une livraison de Légicom, publiée en 2001. Il précisait même que « rien ne justifie dans la loi du 10 août 1981 qu’un détaillant solde un livre sous prétexte qu’il est défraîchi. La même logique s’applique aux services de presse qui se retrouvent souvent chez les soldeurs ». Il faut cependant observer que le livre revendu par le critique est bien souvent tronqué de la page de faux-titre où figure l’envoi qui risque de trahir son destinataire… Il serait pour le moins problématique de faire payer au lecteur un ouvrage ainsi mutilé au prix public unique. Las, en raisonnant ainsi, les amateurs, qui sont aujourd’hui devenus majoritaires chez les revendeurs de faux livres neufs sont libres de casser le marché.
15.04 2015

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