Le bilan de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia) présenté lors de son assemblée générale annuelle, le 21 juin, confirme sa place de principale organisation de gestion collective de l’édition. En 2017, ses perceptions au titre du droit de prêt et du droit de copie privée ont atteint 30,064 millions d’euros (les droits de photocopie collectés par le CFC sont supérieurs, mais comprennent aussi ceux de la presse). Elles reculent toutefois de 4% par rapport à l’année précédente, en raison de la baisse (- 9%, à 13,97 millions d’euros) du droit de copie privée, dopé en 2015 et 2016 par des régularisations exceptionnelles. La légère hausse du droit de prêt en bibliothèque (16,09 millions d’euros, + 2%) n’a pas suffi à compenser ce repli.
Complexité du droit de prêt
Le droit de prêt à répartir entre auteurs et éditeurs atteint cette année 11,7 millions d’euros (- 3,34%), après déduction des frais de gestion (1,8 million d’euros, stables), de la prise en charge des retraites complémentaires (2,8 millions d’euros, + 8,6%), et ajout des produits financiers (0,3 million d’euros). Près de 4 millions d’euros ont déjà été versés aux auteurs adhérents de la Sofia (les éditeurs reçoivent les droits des non-adhérents, qu’ils reversent).
Les droits à répartir résultent d’un mouvement complexe de décalage de temporalités, entre les versements des librairies, en année n + 2, qui ne coïncident pas avec la facturation en raison de régularisations et de retards divers, et ceux de l’Etat, en année n + 1. Après plusieurs années de baisse, la contribution des ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur, indexée sur le nombre d’inscrits dans les bibliothèques, a progressé en 2017 de 3,6% à 9,9 millions d’euros, mais l’effet en sera perceptible lors de la répartition de 2019. La référence reste la contribution de 2015, à 9,6 millions d’euros. Les versements des librairies sur leurs ventes de livres aux bibliothèques en 2015 ont fléchi de 1,7% à 6,2 millions d’euros, indice du repli du budget livres des collectivités locales depuis deux ans.
La contribution des librairies est fixée à 6% de leurs ventes aux bibliothèques, mais les perceptions de la Sofia ne reflètent pas exactement le volume annuel desdites ventes en raison de rappels correspondant à des exercices antérieurs. En 2017, elle a ainsi facturé 6,68 millions d’euros de redevances, dont "417 000 euros d’office, à 314 fournisseurs de livres déclarés par les bibliothèques mais qui n’avaient pas effectué leur déclaration, malgré plusieurs relances", indique le rapport d’activité.
Effort des libraires
Un rattrapage autrement plus important s’annonce: pour se conformer à la nouvelle réglementation qui impose aux sociétés de gestion de reverser les droits perçus au plus tard neuf mois après la fin de l’année au cours de laquelle ils ont été générés, la Sofia veut résorber le décalage de deux ans qu’elle reporte depuis sa création (en 2017, elle a facturé et encaissé les droits sur les ventes de 2015). Des négociations vont s’engager avec le Syndicat de la librairie française, en vue "d’appeler trois années de redevance sur deux exercices", ce qui "impliquera un effort considérable de la part des libraires, dans un contexte de grande tension de trésorerie", reconnaît la Sofia.
Poids des retraites
La prise en charge de la moitié des cotisations de retraite complémentaire des auteurs, conformément à l’engagement pris en 2004, représentera un coût en forte hausse, en raison de la réforme mise en œuvre en 2016. Cette hausse des prélèvements devenus obligatoires, en vue d’assurer une meilleure retraite future, va entraîner une hausse de l’abondement de la Sofia. Elle sera sensible surtout l’an prochain toujours en raison du décalage des exercices: les cotisations de 2017 atteignent 3,9 millions d’euros, soit une hausse de 41%, et le mouvement n’est pas terminé. Ce sera autant de moins sur les droits à répartir.
La copie privée en forme
Les droits perçus au titre de la copie privée ne connaissent pas le décalage du droit de prêt. A près de 14 millions d’euros, pour ceux qui relèvent uniquement de la Sofia, ils restent sur une tendance de fond favorable portée par les achats de smartphones, hors régularisations exceptionnelles perçues à la suite de contentieux avec les fabricants ou importateurs de matériels qui doivent les verser. D’autres procès en cours devraient d’ailleurs générer de nouveaux rattrapages. La redevance revenant aux ayants droit de l’écrit reste néanmoins susceptible d’arbitrages avec ceux de l’audiovisuel et de la musique (qui en perçoivent la majorité), en fonction des usages constatés lors d’enquêtes renouvelées.
Après une mise en réserve de 25% des droits au titre du soutien à l’action culturelle (le "quart copie privée") et le règlement des frais de gestion, la Sofia répartira dans les prochains jours 9,5 millions d’euros (- 8,8%) de droits de copie privée entre auteurs et éditeurs. Cette année, le quart réservé à l’action culturelle redescend à 3,5 millions d’euros. L’an dernier, il avait atteint 4 millions d’euros répartis entre 316 actions en faveur du livre et des auteurs, montant exceptionnel bénéficiant des contentieux résolus en faveur des propriétaires de contenus. Le détail en est désormais consultable sur le site Aidescreation.org, qui rassemble toutes les subventions des organismes de gestion collective.
102 000 euros avec ReLire
A côté du droit de prêt et de la copie privée, la Sofia est également gestionnaire des licences d’exploitation du programme de numérisation et de diffusion des livres indisponibles du XXe siècle, ReLire (1). Pour le moment, il a surtout généré des coûts de gestion, à hauteur de 2,4 millions d’euros en cumulé depuis 2013, l’année du démarrage du programme. Ils sont réglés à l’aide des fonds "irrépartissables" du droit de prêt, mis en réserve faute d’avoir pu retrouver leurs ayants droit. Ralentie en raison d’un contentieux juridique en passe d’être réglé (2), l’exploitation des 35 000 titres remis en circulation a produit au cumul 84 000 ventes. Elles ont généré 101 882 euros de droits, pour l’essentiel aux auteurs ou leurs ayants droit. En raison de l’ancienneté des œuvres, leur recherche risque d’être parfois complexe. La Sofia a prévu de s’appuyer sur le répertoire Balzac de la Société des gens de lettres.
Au-delà de cette gestion quotidienne, la Sofia a également lancé un programme d’investissement dans ses outils de facturation, de recouvrement et d’analyse, et prévoit de refondre son site Internet. Elle a également programmé de renouveler ses sites de déclaration du droit de prêt, utilisés par les libraires et les bibliothécaires.
(1) Registre des livres indisponibles en réédition électronique.
(2) Voir LH 1176, du 1.6.2018, p. 30.