5 avril > Roman Chine

1988, publié en Chine en 2010, est le troisième roman de Han Han, star des internautes et des blogueurs et star tout court, dont le premier livre traduit en France, fort remarqué, s’appelait d’ailleurs Blogs de Chine (paru en « Bleu de Chine », Gallimard, en 2012). Han Han, électron libre, qui est aussi patron de la revue littéraire Chœur en solo, est un peu l’enfant terrible de son pays, le maximum de modernité et d’indépendance que peut tolérer le PCC de MM. Li et Xi, les nouveaux maîtres rouges. On ignore si ces caciques ont lu 1988, et s’ils se sont reconnus dans cette Chine à petite vitesse, racontée de l’intérieur de sa voiture par un jeune privilégié, Lu Ziye, qui voyage en compagnie de Shanshan, ou Nana, la prostituée 38 (enceinte) qu’il a rencontrée à l’hôtel du Triangle d’or. Après avoir un peu forcé la porte de sa chambre, elle envahit sa vie, jeune fille tenace, volontaire, sans scrupule.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Ziye, assez désœuvré, est un cœur à prendre. Son premier amour, Liu, qu’il avait quittée, est morte dans un accident de moto. C’est l’un des épisodes de sa vie que le jeune homme, tout en conduisant 1988 (sa vieille et vaillante auto, qu’il désigne par l’année où elle est sortie d’usine), se remémore et nous raconte. Comme ses années d’école, tyrannisées par N° 10, un petit caïd habile à piquer les billes des autres gamins, mais illuminées par la présence des filles, ses petites copines Li, Ni, Lu. Et Liu, donc, dans sa «jupette bleu ciel ».

Chemin roulant, Ziye, qui fut autrefois journaliste à Chongqing, dans le Sichuan, mais a démissionné, écœuré par la corruption, la censure et l’autocensure imposées, confesse Nana, qui lui conte sa triste existence, ses ambitions petites-bourgeoises : ouvrir une boutique, par exemple, donner une bonne éducation à sa future fille, dont elle ignore bien sûr l’identité exacte du père, plusieurs de ses clients ayant fait l’amour avec elle sans préservatif. Et son grand fantasme : devenir une star de la chanson !

Leur drôle d’idylle se développe sur un tronçon des 5 476 kilomètres de la route 318 (le héros de Han Han est un fan des nombres), la nationale qui mène de Shanghai au Tibet, avec son lot de rencontres, d’hôtels, de ruptures et de réconciliations. Un soir, il tente de plaquer la fille, en lui laissant quand même 3 000 yuans, mais elle le retrouve et les voilà repartis. Cependant, à la toute fin - qu’on ne dévoilera pas ici -, c’est elle, Super Nana, qui finira par gagner, à sa façon.

1988 est un exercice de style, un roman alerte et décousu, tout en flash-back et en digressions, où Han Han mêle souvenirs sans doute personnels et tentative de faire découvrir au lecteur une autre Chine, quotidienne, banale, grisâtre. C’est plutôt réussi, même si le jeune écrivain abuse un peu de ses facilités et de son statut. J.-C. P.

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