7 mai > Premier roman Etats-Unis

Jusqu’ici, pour connaître Jack Handey, qui a pourtant 66 ans, il fallait être abonné au National Lampoon, La Mecque du nonsense version US, ou suivre ses "Deep Thoughts", ses sketchs délirants, dans l’émission "Saturday Night Live". Rassemblés en recueils, ils sont devenus des best-sellers, surtout What I’d say to the Martians. Depuis 2005, Handey régale de son humour loufoque les lecteurs du New Yorker. Mais ce n’est qu’en 2013 qu’il a publié aux Etats-Unis son premier roman, The stench of Honolulu (soit "La puanteur d’Honolulu"), qui nous parvient en français sous un titre édulcoré : les habitants de l’Etat d’Hawaii, dont le héros d’Handey fait une description apocalyptique, ont dû râler.

Ce gars, le narrateur, un couard incapable et sans scrupule, obsédé par le culte du Pélican, paranoïaque, et surtout complètement dément, se lance un jour, en compagnie de Don, son ami de toujours à qui il a pourtant déjà joué mille tours pendables, dans une chasse au trésor, carte "authentique" à l’appui, sur la trace d’un mystérieux Singe d’Or. Situé quelque part dans la jungle non loin d’Honolulu, la ville qui "pue". Les deux pieds nickelés vont vivre une quête qui n’a rien à envier à celles d’Indiana Jones, traqués par le docteur Ponzari, "le diable incarné" qui, comme l’affreux Moriarty chez Sherlock Holmes, ressurgit chaque fois qu’on le croit mort, attaqués par des pirates et un homme-tortue (lequel finira en délicieux consommé), harcelés par les féroces Indiens Patangas qui les criblent de fléchettes vaguement empoisonnées, et escortés par Leilani, une femme de la jungle qui déteste le narrateur ("Elle me crache à la figure. J’étais amoureux"), mais finira par se marier avec Don. Et quel rôle joue, dans tout cela, l’oncle Lou, une vieille canaille qui drogue son neveu chaque fois qu’il va le voir ? Pourquoi, en compagnie de son chien, Déglingue, suit-il de loin l’expédition ?

On n’en saura guère plus, et ça n’a aucune importance. L’essentiel, pour le lecteur qui a renoncé depuis la première ligne de ce livre à toute rationalité, c’est le plaisir jubilatoire de suivre Handey dans tous ses délires, jeux de mots, aphorismes ("Un squelette a plus peur de vous que le contraire"), trouvailles succulentes. Ainsi, quand le héros découvre que Don et Leilani sont amoureux : "Des têtards de suspicion avaient grossi dans la mare de mon esprit. A présent ils avaient la taille de grenouilles." Un petit bijou pour les amateurs d’objets littéraires non identifiés. J.-C. P.

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