« La forme même des pyramides d'Égypte montre que déjà les ouvriers avaient tendance à en faire de moins en moins. » L'humoriste américain Will Cuppy est célèbre pour cette boutade. Et pourtant... Léonard Vincent évoque un papyrus de la grève conservé comme le Saint-Suaire à Turin. Il date de l'époque de Ramsès III, il y a plus de 3 000 ans, et sert de point d'entrée à son Éloge de la grève. À coups de phrases incisives, la grève est montrée comme « un geste de haute civilisation ». Sous sa plume défilent le « culot des canuts » lyonnais, son grand-père paternel ou la Jocelyne des usines Wonder en 1968 qui ne veut pas « refoutre les pieds dans cette taule dégueulasse ». Il n'oublie pas l'avocat breton, Le Chapelier, à l'origine d'une loi votée en 1791, qui interdit la grève et qui ne lui porta pas chance puisqu'il fut guillotiné trois ans plus tard. Dans ce « livre Molotov à l'usage des timides, des affligés et des gueulards », le reporter au service Afrique de RFI, auteur d'une enquête sur Les Érythréens (Rivages, 2012), prend le parti de ceux qui protestent, qui revendiquent et qui contestent. Il y a de la vivacité, de la verve, du sang chaud et du souffle poétique dans cet éloge un rien désabusé. « Je ne crois pour ma part plus rien, qu'au pouvoir des histoires pour défaire ce monde affreux. » La référence à Villon et à ses frères humains parcourt cet essai comme un tremblement. On pense à Paul Lafargue et à son Éloge de la paresse, mais dans le contenu c'est plutôt du côté de La Boétie et du refus de la servitude qu'il faut rattacher cet essai réfractaire.
Sur le tas
Léonard Vincent