11 janvier > Essai Grande-Bretagne > Martin Stevens

Dans les librairies, plus que dans les sommets internationaux, la nature a le vent en poupe. Après La vie secrète des arbres du garde forestier allemand Peter Wohlleben (Les Arènes, 2017), Martin Stevens (université d’Exeter, Royaume-Uni) se propose d’élargir le champ aux ruses de la nature dans son ensemble. Ce professeur, qui consacre ses recherches à l’écologie sensorielle et aux stratégies comportementales des animaux et des végétaux, nous explique à l’aide de nombreux exemples comment ces derniers trichent pour subsister.

Stratégies d’évitement, tactiques de mimétisme, manœuvres de dissimulation, Martin Stevens nous dit tout dans ce livre qui s’impose comme une synthèse sur le sujet. L’ouvrage s’inscrit dans la tradition des essais anglo-saxons qui vulgarisent la science par l’anecdote tout en s’appuyant sur les recherches les plus pointues. Il montre notamment comment certains papillons se font passer pour des insectes toxiques ou se transforment en feuilles pour échapper aux prédateurs. Pour éviter d’être mangés, d’autres affichent leur vraie toxicité comme ces chenilles aux couleurs vives qui avertissent du danger les candidats au bon repas. A l’inverse, un certain type d’orchidée attire les frelons pollinisateurs grâce à une trompeuse combinaison de mimétisme chimique et visuel en se faisant passer pour des abeilles, dont ils raffolent.

Ces mécanismes sont connus depuis Wallace, Bates et Darwin au XIXe siècle, mais les techniques modernes ont permis de saisir les subtilités de cet univers de fourberie généralisée. "Les perceptions subjectives des humains sont souvent inadéquates pour étudier les modes de communication des animaux et les façons dont ils se dupent." Pour percevoir les sons et les vibrations émis par les fourmis, il a fallu mettre au point des instruments de plus en plus sophistiqués.

Dans ce monde étrange, ces menteurs et ces tricheurs n’ont qu’un but : trouver de la nourriture et se reproduire. Mais le "life-dinner principle" montre que les proies ont un avantage sur les prédateurs car elles jouent à chaque fois leur vie, alors que les prédateurs ne risquent que de perdre un repas.

Ces études mises en lumière par Martin Stevens visent à mieux comprendre les mécanismes de l’évolution et les variations entre trompeurs et trompés. Elles révèlent surtout comment la nature se dupe elle-même pour subsister. Laurent Lemire

Les dernières
actualités