Après l’avoir fait avec Tobie Lolness, et Vengo, dont les ventes cumulées en France dépassent de loin les 600 000 exemplaires, il retente l’expérience en 2020 avec Alma. Porté par le prix Guilli du Roman 2020 puis le prix Sorcière 2021, l’ouvrage est bousculé dans son élan en juin par une polémique américaine. Estimant qu’un auteur blanc du XXIème siècle n’est pas légitime de parler de la traite des noirs et choisir comme héroïne une jeune africaine, Walker Books, son éditeur anglo-saxon, décide de ne pas publier le roman. Ne pouvant changer ni son nom, ni son visage et encore moins son origine, Timothée de Fombelle ne dévie pas sa route. Il continue avec un deuxième volume à paraître le 28 octobre chez Gallimard et continue l’écriture du tome trois pour tenter de clore la trilogie l’année prochaine.
Le temps des recherches
« J’ai longtemps résisté à raconter cette histoire », explique Timothée de Fombelle qui n’a proposé le sujet d’Alma à Gallimard qu’en 2014. Lectures de monographies de ports, recherche dans des gazettes de l’époque, décorticage de vieux registres du XVIIIème… Puisque « cela ne va pas de sois d’écrire une histoire », l’auteur entame de longues années de recherches avant de pouvoir débuter la sienne. Très vite, il se retrouve d’ailleurs confronté à ce qui lui sera reproché plus tard : les textes historiques dont il a besoin sont écrits par des colons blancs et non par une population locale. « Dans ces documents, il fallait sans cesse trouver une façon de faire parler le pont inférieur du bateau. J’ai essayé de le comprendre à travers la façon dont les gens vivaient, leur architecture, leur travail, leurs gestes. Comprendre par exemple à quel point ils pouvaient avoir faim. », décrit-il.
Le temps des débats
Quand la polémique éclate en juin 2020, ce n’est pas le texte, ni l’histoire qui est touchée mais l’auteur en sa qualité d’homme blanc contemporain. Des débats qui émeuvent Timothée de Fombelle mais qui n’ont pas d’incidence sur la suite de la saga « C’était juste impossible de changer car ce qui posait problème, c’était moi ! je ne peux pas changer ce que je suis …», explique l’auteur dont l’ouvrage sera finalement publié aux États-Unis par Europa. Parmi les différents cris qu’il entend autour de lui, il y en quand même un qui résonne. C’est l’absence du créole, une langue déjà parlée en 1786 par ceux qui travaillaient dans les plantations, à Saint Domingue. « S’il y a bien une chose qui n’est pas juste dans ce livre c’est l’absence du créole. Il y manque la force, la vérité et la poésie qui découle de leur langage », dit l’auteur, espérant que la potentielle adaptation cinématographique du livre « ose l’usage de cette langue ».
Au-delà de sa personne, c’est aussi pour ce qu’il veut transmettre à ses lecteurs que Timothée de Fombelle n’a aucunement changé sa trajectoire dans l’écriture de sa trilogie. Pour lui, tout lecteur, peu importe son âge, est un lecteur à part entière avec un esprit critique et une conscience profonde des enjeux d’un texte. « Face aux jeunes on a l’impression qu’il faut parler différemment et simplifier sa langue alors que c’est un public qui aime la complexité » explique-t-il, se rappelant des lectures hétéroclites qu'il avait à cette époque, entre manuels de jardinage et mauvais romans. « Alors, oui, effectivement, un auteur blanc qui écrit sur une héroïne noire cela doit être lu d’une certaine manière mais je crois qu’un jeune lecteur en est parfaitement capable. », tranche l’écrivain.