Après Rome, un cabinet de curiosités, de J. C. McKeown, paru en 2012 et pionnier de sa collection, le Bibliomane continue à revisiter l’Antiquité de belle façon, dans des ouvrages élégants, bien illustrés de documents signifiants, originaux voire malicieux. L’idée étant, sur chaque civilisation, de porter un « regard insolite », sans écarter bien sûr quelques musts. On s’en réjouit d’autant plus que le présent volume, L’Egypte, un cabinet d’amateur, n’est plus un achat mais une création française, Daniel Soulié, «l’amateur» en question - en fait un professionnel -, étant archéologue et historien d’art, « responsable de médiation muséographique » (« Kézaco ? », aurait dit Zazie) au musée du Louvre.
Spécialiste de l’Egypte antique, et même de l’Egypte au Louvre, Daniel Soulié entraîne le lecteur dans une expédition thématique, claire et pédagogique. En commençant par les fondamentaux : Kemet, «la Noire», la terre fertile gorgée des alluvions du Nil, par opposition à Desheret, «la Rouge», les grands espaces désertiques du pays, rompus par quelques oasis célèbres : le Fayoum, ou Siwah. Après la géographie, l’histoire : l’auteur expose les problèmes de datation qui se posent aux historiens, puisque le calendrier des anciens Egyptiens reposait sur les seules dates des règnes de leurs pharaons, souvent bien conjecturales. La nomenclature commence en effet officiellement en 2920 avant Jésus-Christ avec la période thinite, mais elle a été établie par le scribe Manéthon, lequel travaillait, vers -330, pour le pharaon (macédonien) Ptolémée Ier Sôter, ancêtre de la dernière pharaonne, une certaine Cléopâtre VII, morte en - 30. Après quoi, l’Egypte fut dominée et annexée par Rome, puis par d’autres, et ne récupéra son indépendance qu’en 1952.
Le livre traite aussi de l’égyptomanie chez les Occidentaux - laquelle existe depuis les Romains -, ravivée au XVIIIe siècle avec les premières fouilles, les premières momies, qui feront ensuite fureur. Et puis, bien sûr, de la campagne d’Egypte de Bonaparte, en 1798, de Champollion, Mariette et tous les égyptologues à venir, surtout anglais. Soulié à la main, on marche dans Paris à la recherche des monuments « égyptiens » voulus par Napoléon, puis jusqu’au cinéma culte Le Louxor, récemment rénové et réouvert à Barbès. L’auteur nous invite aussi, dans une partie finale inédite, à visiter les collections égyptiennes des musées du monde, depuis celui de Turin, pionnier en la matière.
Ce « cabinet d’amateur » est à la fois rapide et érudit. On y flânera à loisir, rêvant de quelques découvertes majeures encore à venir : par exemple les tombeaux d’Alexandre le Grand ou de Cléopâtre. J.-C. P.