Par les hasards du rythme de travail éditorial, deux essais sur la censure du très productif Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste de la propriété intellectuelle, et par ailleurs blogueur sur Livreshebdo.fr, sont publiés chez Gallimard et Plon. Nouvelles morales, nouvelles censures (164 pages, 15 euros) dresse un inventaire des condamnations, sinon des interdictions d'œuvres littéraires ou artistiques, le plus souvent au nom de nobles causes. Dans ces affaires (déprogrammation d'artistes en raison de leurs actes personnels, retrait de personnalités historiques mais contestées de listes de commémoration, contestation de rééditions, de thèmes de livres jeunesse, etc.), la justice et la puissance publique interviennent peu dans les pays occidentaux, sinon pour protéger la liberté d'expression, face à une opinion publique vindicative sur les réseaux sociaux. « Les attaques viennent souvent de groupes qui sont dans le "bon camp", au nom de la défense de minorités opprimées, de mémoires bafouées, etc. C'est une ligne de crête difficile à tenir, que de respecter ces droits et ceux des créateurs. Elle passe par de l'explication, de la pédagogie, qui demandent du temps, ce que personne n'a plus, apparemment »,constate Emmanuel Pierrat.
Le grand livre de la censure (350 pages, 19,90 euros, Plon) rassemble quelque 200 cas, célèbres ou inconnus, tragiques ou relevant de la tartufferie, de la condamnation de Socrate à la déprogrammation d'une publicité vegan pendant la finale du superbowl aux Etats-Unis, en passant par l'interdiction de J'irai cracher sur vos tombes (Boris Vian) en 1949, ou la contestation toujours actuelle et active par les créationnistes de L'origine des espèces (Darwin), publié en 1859. Les cas sont classés en onze thèmes (mœurs, religion, politique, drogue, santé, etc.) et neuf expressions artistiques (littérature, chanson, cinéma, beaux-arts, théâtre, presse, science...). « La censure m'obsède depuis 30 ans, je collectionne les livres interdits, des samizdats, des affiches, etc., la matière est infinie et j'ai une documentation considérable sur le sujet, qui est universel, traverse toutes les époques, tous les milieux, tous les pays », relève l'infatigable avocat.