9 octobre > Roman Etats-Unis

Sur la base Electre, sa page compte 191 notices (pour presque autant de titres si l’on y ajoute ceux qu’elle publia sous pseudonyme). Truman Capote, jamais en retard d’une perfidie, supposait qu’elle devait écrire "jusque sur les murs des pissotières". Le problème avec Joyce Carol Oates, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, n’est pas qu’elle écrive trop de livres, mais trop de bons… Ainsi de cette livraison que l’on écrira "de saison", Maudits, soit huit cents pages gorgées de bruit et de fureur, témoignant à chacune d’entre elle de la force et des sortilèges du romanesque.

Soit donc, Princeton (ville que Oates connaît bien car elle y enseigne depuis plusieurs décennies), au début du siècle dernier. La famille Slade, patricienne, fondatrice parmi quelques autres de cette aristocratie du savoir, marie sa plus jeune fille, Annabel. Celle-ci est "enlevée" par un homme très beau, très étrange, qui se prétend prince venu d’Europe. Un homme si séduisant qu’il pourrait bien être le diable en personne… Et cette communauté liée par un même destin situé du côté des "heureux du monde" - où l’on croise les silhouettes fiévreuses de Grover Cleveland, le Président des Etats-Unis, de Woodrow Wilson qui, plus tard, lui succédera, mais aussi de Mark Twain, Jack London ou Upton Sinclair - de basculer sans retour vers l’angoisse et la folie.

Dans le New York Times, un Stephen King enthousiaste a pu écrire que Maudits était "le premier grand roman gothique postmoderne. Le Ragtime de Doctorow dans le château de Dracula". C’est bien vu (mais il est vrai qu’il s’y connaît en matière de tours, de détours et de terreur). Pourtant, la seule chose qu’il semble évident d’écrire à son sujet sans craindre d’être victime d’une fausse piste, c’est que si ce roman est un monstre fascinant, c’est d’abord un monstre d’ambiguïtés. C’est donc à la fois un récit de genre (où Oates, comble de perversité, fait endosser le rôle du narrateur à un écrivain raciste, sentencieux et méprisant), mais aussi une réflexion vertigineuse sur les aléas du pouvoir et de ce qui, du puritanisme au communautarisme, en Amérique du moins, le fonde. En ce sens, on ne peut être tout à fait sûr qu’il s’agisse bien d’un roman historique… O. M.

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