Surnommé, dans sa cité périphérique - laquelle répond au nom de "Bocal" -, Epsilon, tant son existence est insignifiante, le héros de cette saga moderne est un triste sire. Un gars sans scrupules, prêt à tous les trafics pour subsister sans rien faire, si ce n'est se camer, dealer, louer ses charmes aussi bien à de vieilles rombières qu'à Phil, un riche Américain. Il sera même gogo-danseur dans une boîte homo du sud de la France...

Dans son environnement, outre ses parents totalement à côté de la plaque, il y a son frère aîné, un petit frimeur délinquant qui finira vite sa triste existence sous les balles d'un tueur mandaté par Lacrymo l'Albinos. Celui-là, c'est un être hors du commun. Le caïd local, qui n'aime guère que de petits caves empiètent sur son territoire et grignotent son bizness. C'est un gentleman dealer en gros, un intello philosophe, "un Proust dans la schnouffe" qui fait vivre toute une bande de demi-sels surnommés «les gars de la narine". Epsilon a de la chance, car Lacrymo l'a à la bonne, et l'aidera à plusieurs reprises. Surtout, il l'épargnera, contrairement à son frère, même quand le jeune inconscient aura tenté de le doubler !

L'histoire débute dans les années 1980 - Epsilon est né en 1970 -, celles où le contraste entre les yuppies et les paumés apparaît de plus en plus évident, les années Dallas, smurf, graphs et breakdance. Epsilon, lui, finira par réussir, dans la chanson, au terme d'une série de tribulations et de mésaventures aussi cocasses que difficiles à synthétiser. Au passage, il fait la connaissance de Louis Morhan, un écrivain moyennement sympathique. Il faut dire que le voyou a séduit sa femme et sa fille ! Morhan le choisira comme héros d'un de ses romans, celui-là même que le lecteur est censé avoir entre les mains.

Pour son troisième roman au Dilettante, Anne Lenner a concocté une fable aux petits oignons, amorale et déjantée, menée à grandes guides et qui se terminera en feu d'artifice. Lacrymo peut préparer ses mouchoirs...