1er Roman/Égypte 2 janvier Mohammad Rabie

Les bibliothèques sont des lieux d'élection qui ont souvent inspiré les écrivains : habités, en principe à l'abri du fracas du monde, silencieux, et où ils pourront trouver, un jour, si tout va bien, leurs propres livres dans les rayonnages.

L'Egyptien Mohammad Rabie, pour son premier roman, paru dans son pays en 2010, s'inscrit dans cette lignée, après Borges, Umberto Eco et bien d'autres. Mais sa « bibliothèque enchantée » à lui se trouve menacée de disparition. Située dans un vieux quartier populaire du Caire où tout le monde l'a oubliée, fondée en mémoire de Madame Kawbab Ambar, en gage d'amour et portant son nom, elle fait partie des waqfs, ces biens de mainmorte résultant de dons pieux, placés sous séquestre et inaliénables, gérés par un ministère spécialisé, lequel gère également les affaires religieuses. C'est là que travaille Chaher, l'un des deux narrateurs de Rabie (pour les chapitres impairs), un jeune et brillant fonctionnaire, cultivé, mais payé à ne strictement rien faire : il passe ses journées, alors qu'il serait plutôt un esprit libre, à regarder ses collègues s'intoxiquer avec la presse gouvernementale. Un jour, son directeur, M. Abdal-Rahman, un écrivain raté « plagiaire » de Naguib Mahfouz, le charge d'une singulière mission : établir un rapport sur la fameuse bibliothèque, menacée d'être détruite pour laisser place à une station de métro.

Tout ça est de pure forme et bien bureaucratique, puisque l'édifice est condamné d'avance. Mais Chaher va découvrir un lieu magique, exceptionnel, peuplé de quelques merveilleux vieux messieurs, fossiles d'une époque et d'une culture en voie d'extinction. Abdel-Rahim, le directeur, qui devient son ami, Jean le copiste, autrefois recopieur de livres, et qui aujourd'hui les photographie, Ali, le traducteur dans toutes les langues du monde, ou encore Sayyid, l'autre narrateur, celui des chapitres pairs, un misanthrope cynique mais aussi un puits de science.

A la fin, la sentence tombe : les trésors de la bibliothèque déménageront à Alexandrie, dans un entrepôt, et Chaher retournera à son placard. Mais il conservera quand même six ouvrages, qu'il a « empruntés », souvenirs du temps où Le Caire était une ville cosmopolite, ouverte, peuplée d'écrivains de toutes origines et confessions. Mais c'était avant. Une époque que ce livre farfelu et nostalgique évoque avec une grâce certaine.

Mohammad Rabie
La bibliothèque enchantée - Traduit de l’arabe (Egypte) par Stéphanie Dujols
Sindbad
Tirage: 1 800 ex.
Prix: 19 euros ; 176 p.
ISBN: 9782330117955

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