Il était une fois un garçon de quatorze ans. C'était il y a très longtemps, dans une petite ville française, comme il n'en existe quasiment plus (les clochers, les maisons sages...). Quelque chose comme les années 1960, un autre siècle. Il s'appelle Sam, vient d'achever son année scolaire et profite de ces quelques jours désœuvrés entre fin des cours et début des vacances qui s'allongent d'une partie de foot à l'autre. Il flotte sur cela un air d'épilogue et de promesse d'éternel retour. Sam doit partir dès le lendemain, comme chaque année, pour deux mois dans la ferme périgourdine de ses grands-parents. Il lui reste un soir, tout l'avenir du monde. Il va chercher dans le parc de sa ville son ballon perdu ; il trouve ce qui peut constituer une raison de vivre, c'est-à-dire une raison de se souvenir. Elle s'appelle Deirdre, a son âge, jeune fille rousse galloise en séjour linguistique dans un manoir proche. Ils se sont trouvés, ils vont quelques heures plus tard se perdre. A jamais ou non, qu'importe, le temps ne fait rien à l'affaire.

Il y aura des lettres, il n'y aura pas de réponses. Alors, passent en effet les années. Sam a enfin compris qu'il ne saurait jamais rien faire d'autre qu'avoir la tête dans les nuages. Il est devenu pilote de ligne. Deirdre, son souvenir si furtif pourtant, ne l'ont jamais tout à fait quitté. Il va la chercher et trouver quelque chose comme l'ébauche de sa vérité d'homme : le regret et l'espérance folle.

Dans tous ses plus grands livres, notamment les derniers comme, Un problème avec la beauté, (Fayard, 2018), Les Inoubliables, (Flammarion, 2014) et peut-être le plus beau de tous, À côté, jamais avec, (JC Lattès, 2016), Jean-Marc Parisis n'aura jamais fait qu'une chose : se soumettre à l'injonction de Breton, « Je cherche l'or du temps. » C'est plus que jamais ce qu'il fait ici, dans ce L'histoire de Sam ou l'avenir d'une émotion, dans une forme un peu différente où se mélangent les grâces du romanesque et du conte. Une certaine forme d'onirisme y règne, un onirisme qui n'aurait pas besoin d'expulser le réel. Ce qui ne change pas en revanche, c'est ce qui fait de lui, par cette équité justement entre la réalité, la mélancolie et la tentation de la tristesse, l'un des plus beaux stylistes de ce temps. Résolument, Jean-Marc Parisis se situe du côté de la littérature. Sam a peut-être rêvé cette Deirdre qui porte un nom de déesse celte, Jean-Marc Parisis n'en a pas fini de rêver le livre à venir.