Alors que la France s’enfonce dans la Seconde Guerre mondiale, les Kermor affrontent cette réalité comme ils le peuvent. Les jumeaux, Denez et Goulven, doivent aussi songer au bien-être de leur père. Depuis son attaque, l’homme est mutique. Un enfermement qui le condamne à la solitude intérieure. Seul le lecteur sait ce qui lui traverse l’esprit. Ses enfants, refusant de le laisser à son triste sort, engagent Vera pour l’aider. Cette jeune Russe débarque dans cet univers, principalement masculin, en croyant laisser derrière elle son passé. "Qui mieux qu’elle, une exilée, pourrait comprendre le comte de Kermor, déraciné au sein de son propre corps, de sa propre maison ?" Même si Vera ressent la nostalgie de son pays, elle est reconnaissante envers cette famille bienveillante et à sa terre d’adoption. "La Russie accomplit son destin sans nous. La France nous a accueillis, nous les survivants d’un monde révolu." Pas étonnant qu’elle se sente à l’aise dans cette Bretagne, qu’elle découvre sous un jour inattendu, celui décrit par Arthur de La Borderie "La Bretagne est mieux qu’une province : elle est un peuple, une nation véritable." Surtout en ces temps de guerre et de menace profonde. Les masques tombent. L’heure étant au courage ou à la lâcheté, il appartient à chacun de choisir son camp. Le brave docteur Le Meur assure un soutien implacable. Quant à Henri de Kermor, il opte pour la résistance active. Or son réseau est menacé. "Toutes les vies ne valent pas le même prix." Qu’en est-il de celui de la Bretagne, qui subit les pires affronts tout en aspirant à la bataille de son indépendance? "De Gaulle sauverait peut-être la France, mais certainement pas la Bretagne. Il ne lui rendrait pas sa mémoire, la connaissance de son histoire, l’attachement à sa langue, la conscience de son identité." C’est un peu tout cela que l’auteure reconstitue ici. Au-delà d’un grand roman d’amour populaire, Marina Dédéyan introduit une thématique politique. La Malouine a grandi en aimant écouter les histoires ancestrales, traversées par le souffle de l’Histoire. Voilà pourquoi elle tient à mêler les deux voix. Kerenn Elkaïm