Au feuilletage, on se croirait presque dans le récit illustré d’un voyage en Afrique : ciel bleu, végétation luxuriante, et la chaleur, la touffeur qui s’échappe du trait épais de Barroux, tels les grains de ses pastels. Mais, avec la découverte d’un bébé chauve-souris par la petite Olympe, s’amorce un drame. A courte distance de son village, au cœur de l’Afrique équatoriale, la fillette a voulu profiter de la fraîcheur d’un manguier. Elle va en toute insouciance en ramener la mort, le virus Ebola dont Paule Constant et Barroux retracent l’origine et les premiers méfaits en adaptant en bande dessinée Des chauves-souris, des singes et des hommes, le roman éponyme de l’écrivaine, paru en mars 2016 chez Gallimard.
Extrait du roman, coupé mais peu transformé, utilisé comme un récitatif dans un album sans phylactères, le texte de Paule Constant conserve sa tonalité de conte très noir, que vient souligner le dessin faussement naïf de Barroux. En troquant pour la couleur le dégradé de noirs, de gris et de bruns qu’il avait privilégié pour Alpha, Abidjan-Gard du Nord, récit remarqué d’un migrant africain, sur un scénario de Bessora (Gallimard, 2014), le dessinateur n’enjolive rien. Olympe va embrasser sa chauve-souris, lui faire embrasser ses petits frères qui mourront les premiers. Racontant comment, au même moment, un groupe de jeunes ramène le cadavre d’un gorille, prétendument chassé mais en réalité trouvé mort et probablement infecté, au village qui va s’en repaître, les deux auteurs restituent les conditions - manque d’hygiène, promiscuité - qui faciliteront le développement du virus.
Celui-ci va se répandre le long de la rivière Ebola, un affluent du fleuve Congo qui lui donnera son nom. Il infectera de proche en proche des villages entiers. Et aussi une infirmière française qui le transmettra à un jeune compatriote hospitalisé dès son arrivée à l’aéroport de Roissy pour une fièvre hémorragique. Avant la fièvre médiatique. Fabrice Piault