21 août > Roman Inde

Hormis la nationalité de Radhika Jha, née à Delhi en 1970 mais très cosmopolite, on chercherait en vain ici quelque chose d’indien. Epouse d’un diplomate occidental alors en poste à Tokyo, la romancière se montre, dans ce livre, plus japonaise que les auteurs japonais eux-mêmes.

L’histoire se passe à Tokyo, et sa triste héroïne se nomme Kayo. Elle est aussi la narratrice de sa vie, racontée plus tard, alors qu’elle est en plein makhira, le noir absolu, que son petit monde s’est effondré, par sa faute, et qu’elle est peut-être sur le point de commettre l’irréparable, comme Tomoko, son amie de jeunesse, qui s’est suicidée pour des raisons inexpliquées. Tout simplement ce mal de vivre profond et cet ennui insondable qui semblent frapper la société nipponne, surtout les femmes et les jeunes, si l’on en croit une génération d’écrivains dont les textes nous frappent par leur noirceur.

Kayo est mariée à Ryu, brave garçon très "Japonais moyen" : banquier travailleur et tranquille, amoureux de sa femme, de sa famille et de son petit confort. Ils ont deux enfants, dont Kayo s’occupe. Or, au moins depuis Flaubert, on sait qu’une femme au foyer, désœuvrée, est la proie de toutes les tentations, de toutes les folies.

En ce qui concerne Kayo, c’est sa mère, une femme de petite vertu, qui joue les Satan. Juste avant de disparaître, elle offre un million et demi de yens à sa fille. Celle-ci ouvre un compte, reçoit une carte bancaire, sans rien dire à Ryu. Incitée au départ par Tomoko, elle va devenir une acheteuse compulsive de vêtements de luxe, chaussures et accessoires, une droguée du shopping. Elle savoure des moments de bonheur clandestin et égoïste. Et puis, un jour, tout dérape : elle a dévoré le magot maternel, elle est même à découvert. Il lui faut trouver de l’argent, vite et beaucoup. Elle tombe entre les mains d’usuriers mafieux, des yakuzas, qui lui font comprendre qu’il existe, grâce à ses charmes - Kayo est dotée de beaux et gros seins -, un moyen simple de régler son problème : la prostitution. La jeune femme va alors connaître une nouvelle période heureuse. Courtisane le jour et certains week-ends quand Ryu n’est pas là, épouse et mère exemplaire le reste du temps. Jusqu’au jour où le mari découvre le pot aux roses et règle ses comptes à sa façon. On n’en dira pas plus. C’est froid, cérébral, terrible.

Actuellement, Radhika Jha vit à Pékin : son prochain roman sera-t-il chinois, ou reviendra-t-elle en Inde ?

J.-C. P.

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