Au Cameroun, « une femme naît avant tout épouse et mère ». Mais certaines tendent à l'oublier car elles ont tout simplement envie de vivre. Ramla fait partie de celles-là. Cette fille rebelle se dit « différente. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extraterrestre. » Elle rêve de faire des études de pharmacologie et de se marier avec le garçon qu'elle aime. Une évidence accordée à bon nombre de filles dans le monde, mais ici, ses désirs ne sont guère légitimes. Aussi va-t-elle apprendre à ses dépens que « je n'étais pas que la fille de mon père. J'étais celle de toute la famille ». Lorsque cette dernière décide qu'elle doit épouser un homme pour son rang, Ramla vacille. Sa mère compatit et lui fait un aveu tardif : « J'ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs. » Telle est la voie que la jeune fille doit donc suivre. En plus d'affronter un époux qu'elle n'a pas choisi et qui est déjà marié à Safira, Ramla se heurte à cette dernière. Reléguée au rang de coépouse, Safira voit arriver la promise d'un mauvais œil. Elle qui n'a que 40 ans se sent brusquement vieille.

Ramla, la favorite, exprime sa souffrance, alors qu'au nom de la religion la femme se doit de rester muette. La sœur de Ramla, Hindou, est quant à elle victime de viol et de violences conjugales, sujets tabous sur lesquels l'ensemble de la société préfère fermer les yeux. Une complicité silencieuse et insidieuse liée à des traditions patriarcales millénaires, où l'homme a tous les droits sur son épouse puisqu'elle lui appartient. La soumission totale est de mise. La mère des deux sœurs le déplore. « Il est difficile le chemin de vie des femmes. Nous n'avons pas de jeunesse. Nous n'avons que peu de joies. À toi de trouver des solutions pour rendre ta vie supportable. »

Djaïli Amadou Amal a trouvé la sienne en écrivant. Camerounaise, peule et musulmane, elle a elle-même été mariée à 17 ans. Son tempérament audacieux lui a permis d'acquérir sa liberté, mais combien d'épouses vivent emprisonnées ? Dans son pays, on la surnomme « la voix des sans-voix ». Elle a aussi créé l'association Femmes du Sahel afin de lutter pour leur éducation et leurs droits. Son roman incarne merveilleusement ce combat.