Elle avait 17 ans, lui 23. Ils se rencontrent à Paris, vers le début des années 1980. Ils sont sans projet, si ce n’est celui d’éprouver jusque dans ses derniers retranchements leur liberté. Ils ne se connaissent pas. Ils se reconnaissent. Valérie Lang et François Jonquet ne se quitteront plus, jusqu’à la mort prématurée, en 2013, de celle qui était devenue l’une des actrices essentielles de la scène française. C’est le récit de cette amitié totale (de cet amour aussi, bien entendu), de ses tours et détours, de ses lignes de fuite, de ses horizons divers que nous offre Jonquet en guise de tombeau pour l’amie disparue. Il fait état de la ferveur, de l’exigence, des foucades parfois, de cette fille qui mit tant d’énergie à n’être pas que fille de (Valérie Lang était l’aînée des filles de Jack et Monique Lang), sans jamais toutefois rompre ni même altérer le lien puissant qui l’attachait à ses parents. Loin de ce que l’on croit en savoir et de leur image publique, le portrait qui est fait de ce couple fusionnel, aussi attaché à la vie de famille et à un hédonisme de chaque instant qu’à la seule carrière politique de monsieur, est assez fascinant autant qu’empathique. Car bien entendu, devenu en quelque sorte le "frère choisi" de Valérie Lang, allant jusqu’à loger dans un studio de l’appartement familial place des Vosges, François Jonquet sera aux premières loges pour vivre l’effervescence de ces années 1980 naissantes, le pire et le meilleur de la "mitterrandolâtrie" orchestrée par le père de son amie, le coruscant Monsieur Loyal de la rue de Valois. Dans ces ambiances électriques, dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, Valérie et lui se meuvent comme des poissons dans l’eau, enfants terribles et adorables.
Je veux brûler tout mon temps, écrivait Valérie Lang. Elle y sera parvenue, se consumant sans cesse aux feux de l’amour (magnifiques pages sur celui qui fut durant près de vingt ans son compagnon, Stanislas Nordey), de la passion du théâtre, de la mise en question d’elle-même. Aujourd’hui, avec ce livre, c’est le temps retrouvé que nous offre François Jonquet. O. M.
