Une geisha de 20 ans à Kyoto - l’ancienne capitale impériale et la ville du Japon la plus attachée à ses traditions - raconte son quotidien, codifié et ritualisé à l’extrême. Devenir geisha (appelée geiko à Kyoto) et le demeurer, précise Koyoshi, faire "commerce des arts, pas du corps", constitue une véritable ascèse. Un don total de soi, qui commence par la fabrication d’un nom, Koyoshi en l’occurrence, à partir d’éléments symboliques. Il faut aussi accepter de vivre dans une yakata, la maison commune, comme en famille, ou presque en phalanstère. Il faut surtout se plier à une infinité de rites qui régissent chacun des gestes de la vie quotidienne. Sans parler des soirs où la geisha donne, à l’occasion de fêtes, la mesure de ses talents. Chacune est musicienne, joueuse de shamisen, une espèce de harpe, voire de percussions, peintre, experte dans la cérémonie du thé, mais surtout danseuse.
Le sommet de l’art d’une geisha réside dans le mai. Cette danse issue du Nô, nécessite la maîtrise de deux éventails, symboles du "grade" de l’artiste, et accessoires dont le matériau et les couleurs sont codifiés, tout comme le vêtement, le maquillage, la coiffure, le langage.
Qu’on n’aille pas croire que Koyoshi soit quelqu’un de formaté. Modeste, certes, respectueuse des traditions, elle a conservé son franc-parler, son humour. Elle se décrit ainsi "gaffeuse", comme ce jour où elle avait oublié l’un de ses éventails et dut improviser avec l’autre seul. Son livre est un document de première main sur un univers fascinant, où s’incarne une partie de l’âme du Japon. J.-C. P.