En 2018, vous aviez déjà été honoré par le Prix Vendredi d’une mention spéciale pour Nightwork. Cette fois, vous obtenez le prix, ce "Goncourt du roman jeunesse", qu’est-ce-que cela signifie pour vous ?
Honnêtement je n’y croyais pas. Ne serait-ce qu’à cause du nom de mon roman. Imaginez les articles qui vont parler du prix auront « branleurs » dans leur titre ! Ce prix représente aussi une petite conclusion dans mon travail, c’est un passage à une nouvelle étape même si je ne sais pas encore ce qu’elle sera !
Dans Les derniers des branleurs, on retrouve un rapport à l’actualité relativement indifférent. Est-ce, pour vous, le reflet de la jeunesse ?
Oui, mais seulement d’une certaine jeunesse. Je pense que les jeunes de 2020 ont plein de raisons de ne pas être lumineux. On voit d’ailleurs depuis plusieurs années une montée en flèche des angoisses, des dépressions et des névroses chez eux. Mes personnages sont désabusés, rien ne les passionne. Cela me fait penser à la première scène du roman, un extrait inspiré d’une photo de presse. Dessus on voit les manifestants et la police. C’est le chaos dans la rue mais derrière, dans un Burger King on voit aussi une fille en train de filmer la scène. Elle est morte de rire.
Selon une étude de l’INJEP, c’est notamment vis-à-vis de la lecture que les jeunes sont indifférents, qu’est-ce que ces chiffres représentent selon vous ?
J’ai un rapport compliqué avec ces chiffres car pour moi, ce n’est pas qu’ils lisent moins, c’est juste qu’ils lisent différemment. Sinon, il faut comprendre que ce n’est pas un phénomène sorti de nulle part cette baisse de lecture [au sens strict du terme]. Quand on propose aux jeunes des lectures un peu tièdes voir moyennes, je comprends qu’ils ne lisent pas quand ils ont des divertissements bien meilleurs à diposition.
La littérature jeunesse serait un peu tiède de votre point de vue ?
Il y a beaucoup de choses identiques en littérature jeunesse mais cette situation découle de la précarité des auteurs. Pour beaucoup, il faut sortir le plus de livres possibles pour se faire un salaire. Pour certains lecteurs, quand on parle de littérature jeunesse, on parle aussi du Club des cinq. C’est une image très datée qui veut que cette littérature ne soit qu’une extension didactique qui viendrait compléter l’école. Or ce n’est pas que ça la littérature jeunesse.
Que diriez-vous alors à vos jeunes lecteurs ?
En ne lisant pas, je trouve qu’ils ratent quelque chose mais au même titre que s’ils refuseraient de jouer catégoriquement aux jeux vidéo. Tout ça, ce sont des offres artistiques, des grilles de lecture du monde qui sont différentes et qui sont intéressantes. Il faut juste que chacun trouve les siennes.