L’année 2018 s’est ouverte sur
une vive polémique sur le projet de réédition par Gallimard des pamphlets antisémites de Céline, la première d’une longue série qui a agité le secteur du livre
et fait douter les éditeurs, parfois conduits à s'autocensurer.
Evoquée par Gallimard, avant d’être suspendue à cause de la controverse, la publication d'une version critique des ouvrages de l’écrivain collaborationniste a fait couler beaucoup d’encre, faisant réagir jusqu'au président de la République, Emmanuel Macron,
qui s’est prononcé en défaveur de la publication lors d’un dîner organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Conduit à reporter la parution, le P-DG de Gallimard et du groupe Madrigall, Antoine Gallimard, a cependant tenu à rappeler qu’au nom de la liberté de publier,
"un éditeur doit pouvoir publier des choses qui dérangent".
Livres Hebdo s’est fait l’écho de ce débat dans ses colonnes en publiant l’avis argumenté du bibliothécaire Patrick Bazin, qui se prononçait
contre la réédition des pamphlets, tandis que, dans son éditorial du 16 mars, le rédacteur en chef, Fabrice Piault, a, tout en reconnaissant que les conditions de publication de ces ouvrages méritent débat,
regretté les "pressions" qui portent "peu à peu atteinte à la liberté de publier".
Afin d’éviter toute polémique de ce genre, Fayard s’est de son côté donné deux ans pour réfléchir au contenu de
sa prochaine édition critique de Mein Kampf d’Adolf Hitler, annoncée pour 2020.
Les "sensitivity readers" déminent les livres
Après les pamphlets de Céline, un ouvrage publié par Milan Jeunesse s’est retrouvé sous le feu des critiques. Accusé de perpétuer la culture du viol par plus de 150000 pétitionnaires,
On a chopé la puberté, un ouvrage collectif sur la vie de jeunes adolescentes, a été retiré de la vente par son éditeur, dans un «
geste d’apaisement ». Notre blogueur Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste de la censure,
a analysé les ressorts, moraux, sociaux et légaux de cette controverse.
Livres Hebdo a rebondi sur cette annonce avec
un dossier spécial consacré au retour de la censure morale et de l'autocensure dans l’édition, et aux nouveaux défis qu’il pose. Aux Etats-Unis notamment,
des sensitivity readers relisent les manuscrits et proposent de les amender afin qu’ils soient plus respectueux des minorités, Afro-Américains, LGBTQ+, juifs, musulmans, femmes, etc.
Quelques mois plus tard, la bande dessinée
Petit Paul de Bastien Vivès (Glénat) a été accusée de "pédopornographie" par plusieurs milliers d’internautes. En réaction, les enseignes Gibert Joseph et Cultura
ont décidé de retirer l’album de la vente. Une décision qui n’a pas été suivie par de nombreux libraires, qui ont exprimé à
Livres Hebdo leur souhait de rester neutre, et donc de continuer à commercialiser la BD, dès lors que son contenu n’enfreint pas la loi.