Monstrueuses humanités. Génie des comics - scénariste de V pour Vendetta et Watchmen entre autres -, réputé pour sa plume littéraire, Alan Moore s'inspire des plus grands auteurs de littérature fantastique. Le premier remerciement qu'il adresse en fin d'ouvrage revient à Edgar Allan Poe, pour « avoir laissé un peu de côté les tourments de son existence pour inventer la nouvelle ». Dans ses œuvres, Alan Moore flirte en permanence avec le fantastique et l'inquiétante étrangeté, la satire et l'onirisme, rendant ses personnages et leurs aventures profondément philosophiques et politiques.

Six ans après la sortie de son roman-monde Jérusalem - qui se déroule dans la ville natale de l'auteur, Northampton, et s'étend sur mille ans -, Alan Moore présente ici neuf intrigues dans lesquelles sont mis en scène de nombreux personnages qui tantôt se dédoublent, tantôt possèdent des dons, changent d'aspect et vivent en perpétuelle métamorphose pendant des centaines d'années, évoluent dans des mondes magiques et féeriques...

Dans la nouvelle « Pas même l'étoffe des légendes », un couple de trentenaires donne naissance à un « Pierrot-le-Chuchotet », un être qui vit son existence à rebours, traversant le temps du futur au passé. Dans « Maison de charme dans cadre d'exception », une agente immobilière fait visiter un vieux manoir à un client qui lui fait une drôle de proposition : « Ne me prenez pas pour une espèce d'Harvey Weinstein à la manque, mais vous sentiriez-vous offensée si je vous proposais un rapport sexuel ? » Dans une autre encore, « Lecture à froid », un sorcier des temps modernes transmet les messages des défunts à leurs proches encore en vie. Il prend soin de se renseigner sur Internet et les réseaux sociaux avant de poursuivre ses supercheries, jusqu'au jour où il sera pris à son propre piège. Dans « Ce que l'on peut connaître de Thunderman », Alan Moore dresse une vive critique du milieu éditorial de la bande dessinée, avec laquelle il est lui-même entré en conflit à plusieurs reprises.

Drôle et pertinent, Moore ne tombe jamais dans la caricature. Ses personnages attestent au contraire de la singularité et de l'étrangeté de tous les êtres. Ce qui leur confère une dimension foncièrement humaine dans leur monstruosité.