14 novembre > Histoire France > Pierre Maraval

L’anonyme Collatio fut un texte très lu au Moyen Age. Sans doute issu des milieux chrétiens, il réprouvait l’ascétisme exagéré des premiers moines en rapportant une imaginaire "correspondance d’Alexandre le Grand, roi de Macédoine, et de Dindime, roi des brahmanes, sur la philosophie". Cette compilation de sources occidentales sera une base de connaissances sur ces prêtres indiens pour les théologiens et les moralistes.

Ces religieux qui constituent la première des grandes castes de l’Inde sont présentés comme pratiquant un strict ascétisme, le rejet des désirs, des passions, de la richesse, de la nourriture et du confort qui rendent l’homme esclave. Dans cet échange, Alexandre affirme son souhait d’en apprendre un peu de cette sagesse. "Je me suis en effet toujours appliqué depuis mon jeune âge à l’étude des vertus et ai conservé avec diligence, je pense, les commandements d’innocence qui m’ont été transmis par des sages." Mais il considère néanmoins que la vie des brahmanes n’est pas heureuse à cause des obligations qu’ils s’imposent. Il plaide donc pour une conduite raisonnable avec un usage modéré des plaisirs.

Pierre Maraval, grand historien du monde antique, professeur émérite de Paris-4 Sorbonne, a fait précéder ce Collatio d’une lettre de l’évêque Palladios d’Hélénopolis datant du IVe siècle qui rapporte elle aussi les rencontres entre Alexandre et les brahmanes ou gymnosophistes, terme désignant des "philosophes ascètes qui vivaient nus dans les bois". Cette fiction mal ficelée, faite de bouts de dialogues, prend pour point de départ la venue du conquérant en Inde avec quelques philosophes entre 327 et 324 av. J.-C. Alexandre se serait véritablement entretenu avec des brahmanes dans la vallée de l’Indus. Cependant, sur cette entrevue les versions divergent et les termes de la conversation aussi. La lettre de Palladios, avec toute la prudence dont il faut se munir pour ce type de document, tente une sorte de synthèse.

Ces deux textes surprenants nous en apprennent moins sur les brahmanes que sur la manière dont les Grecs puis les chrétiens les envisageaient, comme des cyniques modèles, vivant à poil dans des contrées lointaines en harmonie avec la nature. L’expédition d’Alexandre eut au moins le mérite de faire connaître et d’attirer l’attention sur cette spiritualité exigeante. L. L.

 

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