L'imaginaire des romanciers est illimité. À force de côtoyer les livres, il fallait bien qu'un écrivain se prenne à un jeu particulier : devenir l'un d'entre eux. Ali Zamir a toujours aimé « brûler les frontières » du langage, caresser le mirage des mots comme s'ils pouvaient tout résumer, tout expliquer. Influencé par son père instituteur, l'auteur a plongé très tôt dans la lecture et l'écriture. « Ce sont les livres qui me poussent vers d'autres lendemains, malgré les défaites encaissées. » Le bonheur de tourner des pages se mêle à celui de s'immerger dans divers univers. Idem pour les langues. Si le comorien est celle de sa naissance, le français et l'arabe viennent ajouter une touche de musicalité. C'est cette plume singulière qui s'était déjà imposée dans Anguille sous roche (Prix Senghor et mention du Prix Wepler) ou Dérangé que je suis (prix Roman France Télévision). Preuve que l'exigence et l'originalité trouvent leur public. « Mais qui êtes-vous, lecteur, un être en herbe ou en gerbe ? Je n'en crois pas mes lettres, vous avez donc mordu ? » s'interroge le nouveau narrateur de son livre. Habituellement, il repose sagement sur une étagère, mais son tempérament bavard lui donne envie de sortir de son silence obligatoire, voire d'échapper « à la fatalité de [son] destin. » Celui de n'être qu'un roman... « Les livres devraient rendre meilleure l'âme de ceux qui les protègent. » À savoir les bibliothécaires qui veillent soigneusement sur eux. Le roman, ici présent, tient à se faire entendre. « Faites-moi la charité de m'écouter, je suis un verbe en gerbe de bave et d'écume. » Un témoin insoupçonnable de la vie d'autrui. Lui qui est caressé par tant de mains, regardé par tant d'yeux, aspire à nous embarquer dans « une drôle de galère. » À force de scruter les humains, le livre saisit nos manies, nos joies, nos désirs, nos peurs ou nos malheurs. « Dans la vie, chacun porte son bât. Il nous faut brûler les ténèbres, effaroucher le mal et nous mesurer à la folie. » Tantôt positive, tantôt négative, celle-ci se retrouve dans un sentiment universel : « L'amour s'invite sans prévenir, il gifle ma vie. » Pas de doute, Ali Zamir « veu[t] rester libre et ne sera jamais l'esclave d'éphémères amusements. » Si vous voulez le suivre, « tournez la page »...

Ali Zamir
Jouissance
Le Tripode
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20 € ; 200 p.
ISBN: 9782370553249

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