Avant-critique Roman

Khashayar J. Khabushani, "American Boys" (Denoël)

Khashayar J. Khabushani - Photo © Guy Philip

Khashayar J. Khabushani, "American Boys" (Denoël)

Rentrée littéraire

Dans un captivant premier roman, Khashayar J. Khabushani raconte le retour à Los Angeles d'un jeune Irano-Américain qui avait été kidnappé par son père pour être élevé en Iran.

Parution 21 août

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Par Sean Rose
Créé le 02.08.2024 à 09h00

Entre deux eaux. À la maison, on parle farsi, on mange du riz au safran, du bademjan, l'aubergine à l'iranienne... On va à la mosquée le vendredi. Mais sinon, K., comme ses frères Shawn et Justin, se sent américain et ne l'est pas moins que ses copains Christian et Johnny qui habitent le quartier. Il sait que le bacon est haram mais il en mange quand même. Le benjamin de la famille est le chouchou de Baba, leur père. Cet Iranien traditionnel voit d'un mauvais œil l'émancipation de son épouse qui entend étudier et sortir sans voile. Le supposé « meilleur ingénieur venu d'Iran » ne trouve pas d'emploi en Amérique, alors il joue au casino et gagne. Pas à tous les coups... L'argent commence à manquer mais les enfants n'en ressentent pas encore trop la paucité. K. est toujours fourré chez Johnny pour qui il éprouve une espèce de fascination. Le narrateur d'American Boys, premier roman de l'Irano-Américain Khashayar J. Khabushani, ne s'imagine pas être différent. Ni ses origines ni son attraction pour les garçons ne lui posent de problèmes d'identité. Il est juste lui-même - le petit dernier de sa fratrie, grandissant à Los Angeles avec son ami Christian qui lui a demandé s'il a vu des poils lui pousser à lui aussi sous les aisselles... Et puis, un jour, K. surprend la conversation de Baba au téléphone avec son frère au pays : il dit qu'il atterrira dans deux jours... avec les enfants. Les trois garçons sont arrachés à leur insouciance californienne et plongés dans l'Iran des mollahs. Adieu confort moderne mais surtout état d'esprit occidental ! Si le fait d'être américain ne les travaillait pas à L.A., les voilà qui se sentent cruellement appartenir à l'endroit où ils sont nés. Maman n'est plus là non plus pour les protéger de la férule paternelle. C'est à cette époque que le narrateur est abusé par son père : « Baba me dit que c'est bon pour moi, que ça va m'aider à dormir. J'essaye de laisser le sommeil me gagner, je repense à la fois où Baba m'a pris sur ses épaules dans l'océan, comme c'était bien qu'il disparaisse sous l'eau. Qu'il me laisse dans le giron de la vague, tout ce calme et ce bleu autour de moi, et en fermant les yeux, je m'y retrouve. »

Plus qu'un exil, American Boys est un retour, ou alors c'est un double exil, car K. et ses frères, avec la complicité de leur tante, la sœur de leur mère, retournent aux États-Unis et vont essuyer les avanies antimusulmanes après les attentats du 11 septembre. Identité duplice, désir trouble... Khabushani signe un roman d'apprentissage captivant, et, quoique tissé de questions complexes, d'une écriture incroyablement fluide.

Khashayar J. Khabushani
American Boys
Denoël
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot
Tirage: 4 100 ex.
Prix: 22 € ; 256 p.
ISBN: 9782207177082

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