Livres Hebdo : Vous travaillez depuis près de trois ans à la construction de la programmation de Strasbourg, capitale mondiale du livre. Comment appréhendez-vous la concrétisation de l’événement ?
Anne-Marie Bock : J’appréhende l’événement avec une grande curiosité et surtout, le plaisir de voir tous nos efforts se concrétiser. Il y a, aujourd’hui, la même énergie collective, avec tous nos partenaires, que lors de la signature de la labellisation avec l’Unesco. Outre nos 250 partenaires officiels, de nouvelles initiatives, souvent citoyennes, se sont greffées au projet et d’autres continueront de se saisir de cette opportunité toute l’année et dans tous les espaces de la ville. C’était d’ailleurs un de nos enjeux initiaux : dépasser les habitudes et interconnecter des champs de politiques publiques qui, a priori, n’ont pas vraiment de point en commun. Par exemple, lier la lecture et la santé, ou la lecture et le sport. À cet effet, le Racing Club de Strasbourg-Alsace jouera un match, mercredi 24 avril, dédié à la lecture, et plusieurs événements avec auteurs seront labellisés par des clubs sportifs, qui ont en commun avec la littérature la dimension périscolaire. Mais aussi la lecture et le tourisme avec Batorama, un de nos partenaires, qui transportera une délégation sur le circuit inaugural ainsi qu’une croisière avec des bébés-lecteurs. Finalement, ce sera une programmation de la lecture sous toutes ses formes, l’occasion de partager des histoires et des émotions.
Que peut-on attendre de cette semaine inaugurale ?
Je crois que cette semaine nous fera connaître de grands moments d’émotion, déjà avec la cérémonie d’inauguration, place du Château. Nos élus ont tenu à ce que, malgré le temps, l’événement se fasse aux pieds de la cathédrale Notre-Dame, ce qui est très fort symboliquement. Une quarantaine d’auteurs est conviée et dès le 24 avril se tiendront les Rencontres de l’illustration. Elles ont été spécialement décalées pour l’occasion et gagneront certainement en visibilité avec de nombreuses personnalités, mais aussi les éditions 2024 dont nous sommes très fiers.
"Une programmation riche et festive"
Vendredi et samedi, plusieurs balades littéraires sont prévues dans des lieux insolites. Le dimanche sera ensuite dédié à une programmation riche et festive des bibliothèques, aux côtés de Fatou Diome et Philippe Claudel, nos parrains de l’événement, mais aussi Nancy Huston, en rencontre dans la bibliothèque universitaire. Et évidemment, outre ce volet « ville artistique et créative » qui s’intègre à un de nos cinq axes, il y aura des lectures de textes spécialement écrits pour la cérémonie. À quelques jours des élections européennes, des prises de parole fortes de l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov ou de Lidia Jorge, qui s’exprimera la veille de l’anniversaire de la révolution portugaise des Œillets, viendront réaffirmer la liberté d’expression et appeler au dialogue. L’idée, c’est vraiment que tout le monde puisse repartir, à l’issue de cette semaine, avec d’incroyables souvenirs.
Comment cet événement d’ampleur peut-il impacter à long terme la politique de la ville ?
Nous sommes très heureux de voir que les graines plantées vont bourgeonner et que l’événement, qui s’adresse à tous les habitants et aux autres, contribuera à faire rayonner la ville et son inventivité sur le long terme. Le livre et la lecture vont se glisser dans tous les interstices, à commencer par des commandes artistiques pérennes : une dizaine de bourses, d’écriture, d’illustration et de scénario, la création d’un caractère typographique libre de droit, l’habillage de cinq tramways qui seront en circulation cinq ans…
"Les graines plantées vont bourgeonner"
Nous avons également mené un travail de fond sur le réseau de lecture publique avec la rénovation de deux bibliothèques et la création d’une nouvelle médiathèque. Mais aussi des politiques de long court pour promouvoir la lecture, pratique pédagogique et périscolaire, grâce des dotations de livres neufs pour les écoles. Nous avons aussi pensé à la création d’un label « lecture contre l’illettrisme », qui pourrait mobiliser plusieurs entreprises confrontées à des problématiques de recrutement. Côté écologie, nous avons commencé à travailler avec le Centre d’initiation à la nature et à l’environnement (CINE) et constitué un comité, composé d’une vingtaine de représentants de la filière du livre en France, en vue des Rencontres internationales de l’écologie du livre qui clôtureront l’année de la labellisation. Nous avons aussi pensé la création d’un manifeste de l’écologie du livre, pour inspirer d’autres nations.