Livres Hebdo : Comment les librairies indépendantes appréhendent-elles l’événement Strasbourg, capitale mondiale du livre ?
Elodie Bubendorff : C’est une super nouvelle ! Le programme est gigantesque et un peu tourbillonnant parce qu’il y a une grande quantité d’événements. Mais ce focus d’un an sur le livre, cela remet dans la tête des gens que la lecture est éminemment importante, quel que soit l’âge qu’on a, quelle que soit la raison pour laquelle on lit : cela va forcément développer des choses intéressantes. Et évidemment, quand on parle du livre et qu’on donne envie aux gens de lire, c’est toujours une bonne nouvelle pour les libraires.
Quelles actions vont être menées par le réseau de librairies dans ce contexte ?
Du côté des libraires de l’Eurométropole, Strasbourg a un maillage de librairies assez exceptionnel avec 26 librairies. Ensemble, nous avons réussi à mettre en place deux événements. D’abord le Printemps de la librairie, qui se tient du 25 avril au 3 mai, en même temps que la Saint-Jordi, et pour lequel 24 libraires ont joué le jeu en organisant des rencontres, des ateliers, des lectures, en fonction, bien sûr, de l’identité de chacun. À La Bouquinette, par exemple, on accueillera, samedi 27 avril, deux lectures de kamishibaï (un genre narratif japonais), avec les éditions Callicéphale. Un peu plus tard, au mois de juin, il y aura le « Rallye du livre, l’art s’invite en vitrine » durant lequel un libraire et un éditeur de l’Eurométropole s’associent pour choisir un artiste qui va créer une œuvre à partir du catalogue de l’éditeur. Celle-ci sera exposée en vitrine, tout comme les titres de l’éditeur qui seront mis en avant pendant trois semaines. On va aussi éditer un petit passeport, pour que les gens de la région puissent venir découvrir les œuvres en librairie. Au bout d’un certain nombre de tampons, ils recevront des lots, généralement des dons de livre à l’initiative des éditeurs qui participent. L’idée, c'est vraiment de faire découvrir la richesse de nos librairies et des éditeurs pour beaucoup basés à Strasbourg et ses environs, dont les éditions 2024, La Nuée Bleue, Callicéphale, George Bleue et plein d'autres.
Ces derniers mois, plusieurs articles ont relaté les difficultés financières rencontrées par les librairies indépendantes. Qu’en est-il à Strasbourg ?
Sur le réseau des 26 librairies indépendantes, trois ont pris la parole (La Tache noire, l’Oiseau rare, l’Ill aux trésors) ce qui a fait couler beaucoup d’encre. Et c’est bien, ça signifie aussi que les gens sont attachés aux librairies. Ces libraires-là sont effectivement en difficultés et ce n’est jamais agréable, mais ce n’est pas commun à toutes. On vit une période, économiquement parlant, qui n’est simple pour personne. L’économie de la librairie est d’autant plus fragile que les marges sont faibles et que lorsque les charges augmentent fortement, les librairies sont rapidement impactées et déséquilibrées. Mais les librairies dont on parle ont ouvert il y a peu de temps, dans une période pas du tout classique. À cela s’ajoutent leurs spécialités un peu niche : l'un d’entre eux propose des titres très pointus, un autre fait du très engagé, et Obscurae, par exemple, qui a fermé après un an, était une librairie de l’étrange.
C’est un fait rare, mais pour l’événement « Strasbourg, capitale mondiale du livre », le réseau de librairies a travaillé collectivement. Est-ce que ces nouveaux liens vont perdurer après cette année exceptionnelle ?
C’est très difficile, pour un libraire, de s’extraire de ses mille et une préoccupations pour construire un projet commun. Alors, je me réjouis de voir que nous avons réussi à mettre cela dans en place ! Je pense que nous sommes complémentaires, que travailler ensemble est plus stimulant et qu’on fait davantage parler de soi que tout seul. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les gens aient envie de passer la porte, et qu’ils se rendent compte du maillage unique de librairies à Strasbourg, de la diversité de nos assortiments. J’aimerais bien que volet collectif soit la prochaine recette, parce que je crois qu’il faut qu’on arrive à voir plus grand. Est-ce que ça ne donne pas des envies de salon du livre qui manque cruellement par ici ?