Interrogé sur la possibilité de séparer l'œuvre de l'homme, l'éditeur est revenu sur sa volonté de publier les pamphlets de Céline. "Je pense qu'il y a un homme, et il y a une œuvre qui a un côté sombre et un autre côté. La loi est là, je suis contre ce qui est injure à la personne, mais en même temps je pense qu’il faut publier les choses, et qu’il faut pouvoir avoir une aproche précise, réfléchie sur les choses. J’ai pour l’instant suspendu ce projet de publication par respect pour les familles qui avaient eu des parents disparus en camps et par respect pour la douleur, mais je regrette de même n'avoir pas eu le temps de présenter l’édition que je voulais faire, —j’espère avoir le temps de le faire—, qui serait une édition historique, littéraire de ces pamphlets."
"Flirter avec les choses un peu difficiles"
Quant au métier d'éditeur, il y voit une "responsabilité à tous niveaux". "Je pense qu’un éditeur doit pouvoir publier des choses qui dérangent. Je suis heureux d’avoir pu publier Sade en Pléiade, comme mon père a eu le courage de publier Céline en Pléiade. Il faut savoir toujours flirter avec les choses un peu difficiles, des choses qu’on attend pas", a-t-il ajouté.
"Aujourd’hui ce qui me frappe, ce qui arrive aux Américains en ce moment, ce sont les sensitivity readers", a-t-il continué, évoquant ces "démineurs de polémiques", chargés de vérifier, via leur expérience personnelle, que le vocabulaire d’un ouvrage n’offensera pas leur communauté. "Ce sont les contrôleurs de morale", a-t-il estimé.
Rappelant la polémique autour du livre sur la puberté publié par Milan, il a encore ajouté : "C’est très difficile, entre la poussée des réseaux sociaux et le temps d’une réflexion, il y a là un espace dangereux qui peut étouffer tout le monde."