Après avoir rencontré au printemps 2024 des difficultés d’approvisionnement à la suite de la mise en place d’un nouveau logiciel de gestion des stocks et de traitement des commandes, Dilisco assure que les « difficultés sont derrière », selon David Gobert, dirigeant de la filiale du groupe Albin Michel. Elles restent en revanche latentes pour plusieurs de ses clients qui ont alerté Livres Hebdo de leur situation.
Une année 2024 désastreuse
Pour les éditions Enrick B., Studyrama, Le Souffle d’or et une demi-douzaine d’autres structures au moins, il est difficile de se remettre d’une année 2024 désastreuse. L’une d’entre elles, Terre vivante, n’a pas attendu la fin de l’année pour faire état de ses déboires et lancer un appel aux dons afin de sortir d’une spirale infernale.
« Il y a eu un tassement du marché sur certains segments sur lesquels nous sommes spécialisés, explique Yves Michel, fondateur du Souffle d’or, maison de développement personnel basée dans les Hautes-Alpes. Mais cela n’explique pas tout et nous sommes aujourd’hui dans une situation très précaire ». Dans son bilan de 2024, il signale un trou de près de 15 % de son chiffre d’affaires, « environ 90 000 euros », résultat de plusieurs facteurs concomitants, a-t-il noté.
De son côté, Enrick Barbillon, fondateur des éditions Enrick B., a constaté une baisse de 33 % de son chiffre d’affaires en 2024 par rapport à 2023. Fondée en 2007, la maison aux plus de 300 titres à son catalogue génère les deux tiers de son activité aux rayons sciences humaines et droit. « Le nombre de librairies partenaires a augmenté constamment jusqu’en 2024, où j’en compte 330 de moins que l’année précédente », fait-il part à Livres Hebdo.
« Colère chez les libraires »
Ces éditeurs mettent en cause leur distributeur, qui a connu une crise logistique au début du printemps dernier (lire ci-après). Après deux semaines d’arrêt complet des livraisons de commandes en mars 2024, Dilisco a résorbé son retard d’abord en juillet, puis fin septembre. Mais entre-temps, le mal était fait pour ces éditeurs. Un constat d'huissier a été réalisé, « attestant de l'absence d'une grande partie du catalogue Enrick B. dans des enseignes majeures telles que Fnac, Cultura, Decitre, Furet du Nord et Gibert », relate Enrick Barbillon, ainsi que dans des librairies indépendantes notoires comme la cévenole Sauramps et l’auvergnate Les Volcans. « Cela a créé une grosse frustration et une colère chez les libraires qui ne recevaient pas leurs commandes, corrobore Yves Michel. Ces derniers et leurs clients se sont tournés vers d’autres titres du rayon ».
Interrogé par Livres Hebdo, Labri Tahri de la librairie francilienne Ecoshère, dont Dilisco fourni « 20 à 25% de l'activité » confirme que « les commandes mettaient beaucoup de temps pour parvenir », ce qui a perturbé l’activité pendant deux à trois mois. « Les clients ne commandant pas que des titres distribués par Dilisco, c'était toute la commande qui prenait du retard », se souvient-il.
S'il assure qu'il n'a pas « eu a retirer des titres des bons de commandes », il n'a pas fait le calcul de l'impact financier, d'autant que la gestion de cette crise lui a coûté du temps, difficilement quantifiable. « On était obligé de travailler doublement, de surveiller, de relancer », explique-t-il, en appelant l'ensemble des distributeurs à « expérimenter leur nouvel outil avant de le passer en production, et si possible en dehors des périodes d'affluence sur le secteur du scolaires ou la rentrée littéraire ».
Indemnisations « insuffisantes »
Les problèmes rencontrés ont également entraîné des tensions avec les auteurs, certains constatant un écart significatif entre leurs ventes chez Enrick B. et celles de leurs autres ouvrages publiés ailleurs. Malgré une opération de « reconquête » lancée par Dilisco le 26 juin 2024, les résultats restent alarmants et Enrick B., déjà à la recherche d’un repreneur, est aujourd’hui en grande difficulté. Chaque éditeur ayant une situation propre, il leur est difficile de faire cause commune.
Le groupe Leduc, filiale d’Albin Michel, a lui aussi subi les difficultés logistiques de son distributeur, mais a néanmoins réalisé une année 2024 performante. « Effectivement à des moments clés de l’année nous avons eu des problèmes de réassorts et donc des libraires qui ont appelé », confirme Pierre-Benoit de Veron, le directeur général. « Mais cela nous a permis d’être encore plus proches d’eux et de nos auteurs », poursuit-il en assurant qu’il ne dira « jamais de mal d’un distributeur qui accompagne la maison depuis sa création en 2002 ».
Pour les autres en revanche, il apparaît difficile de se contenter des mesures d’indemnisation proposées par leur partenaire, jugées « totalement insuffisantes ». Ils réfléchissent à poursuivre l’affaire en justice.