Forum de Chaillot

Arnaud Nourry : "Peut-être la France restera-t-elle un cas à part dans le numérique"

Arnaud Nourry lors du débat au Forum de Chaillot le 5 avril 2014

Arnaud Nourry : "Peut-être la France restera-t-elle un cas à part dans le numérique"

Le P-DG d'Hachette Livre participait, samedi 5 avril à Paris, à la table ronde sur la culture face à l’ère numérique et aux nouveaux enjeux de la régulation qui clôturait le Forum de Chaillot.

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Par Vincy Thomas
Créé le 06.04.2014 à 22h50

Samedi 5 avril au matin, le Forum de Chaillot "Avenir de la culture, avenir de l'Europe" organisé par le ministère de la culture français se concluait avec une table ronde consacrée à la culture face à l’ère numérique et aux nouveaux enjeux de la régulation. Le débat a démontré que si le livre, la musique ou l'audiovisuel constituent bien un ensemble fragile à préserver, ils ne composent pas un secteur homogène face au numérique.
 
Premier à prendre la parole, le P-DG d'Hachette Livre, Arnaud Nourry, l’a très vite souligné en évoquant le secteur de l’édition. "Nous sommes partis un peu plus tardivement que la musique, rappelle-t-il. Nous avons pu en tirer quelques leçons comme ne pas lutter contre la transformation des usages et ne pas dévaloriser les auteurs". Arnaud Nourry pointe quelques dangers à éviter : la déflation, voire le modèle du tout gratuit, qui entrainerait une baisse de la création ; le piratage ; le risque d’un oligopole de diffuseurs numériques. Il plaide pour une diversité de la distribution, pour que les géants américains ou asiatiques ne contrôlent pas l’accès à la culture, mais aussi pour un format de lecture unique. "La Commission européenne doit se saisir du dossier de l’uniformisation des formats de lecture, comme elle l’a fait avec le Mp3 dans la musique", souhaite-t-il.
 
Constatant que « les pays qui n’avaient pas de lois Lang et disposaient d'un moins bon réseau de distribution, ont connu une pénétration du numérique plus rapide », le P-DG d'Hachette Livre a encore  distingué l’édition des autres secteurs culturels, observant que la déferlante numérique n’y atteignait pas les mêmes niveaux. En France, le marché du livre numérique se situe entre 5 et 10 %, estime-t-il : "La France est un pays de tablettes plus que de liseuses, et celles-ci ne se prêtent pas à la lecture."
Sans provocation, Arnaud Nourry envisage que "la France restera peut-être un cas à part dans le numérique. Et pourquoi pas finalement ?", demande-t-il.
 
L’essentiel du débat a cependant porté sur la régulation européenne : TVA, impôts, règles. Le P-DG d’Hachette-Livre a défendu la position française sur le prix unique, malgré l’avis contraire de la Commission européenne. "Le contrôle des prix est essentiel, martèle-t-il. Le dumping détruit l’équilibre de la chaîne du livre".

"Pour l’instant, il reste à développer la présence de la culture européenne dans le monde."

De son côté Sylvie Forbin, directrice des affaires institutionnelles et européennes de Vivendi, a souligné l'urgence d’harmoniser la politique fiscale en Europe, afin d’éviter le shopping réglementaire et fiscal des sociétés. Carlo d’Asaro Biondo, président de Google Europe du Sud et de l’Est, est d’accord pour revoir la fiscalité puisqu'"elle n’a plus rien à voir avec la globalisation et Internet". Il conteste cependant l’idée d’un protectionnisme fiscal ou réglementaire : "Cela ne peut fonctionner que s’il y a une symétrie avec les autres pays dans le monde. L’Europe seule ne peux pas imposer ses règles. N’oublions pas que les sociétés européennes sont aussi exportatrices et que tout cela peut se retourner contre elles."
 
Giuseppe de Martino, secrétaire général de Dailymotion, va dans le même sens : "Le numérique peut être une chance pour la culture, notamment pour sa diffusion, plaide-t-il. Pour l’instant, il reste à développer la présence de la culture européenne dans le monde." Se démarquant, Arnaud Nourry a souligné la spécificité du secteur du livre. Contrairement à la situation qui prévaut dans d'autres secteurs, "dans l’édition, nous avons des champions européens qui sont aussi des champions mondiaux : Pearson, Bertelsmann et Hachette Livre", observe-t-il. "L’industrie du livre est quasiment autosuffisante : nous finançons nous-même la création." Pour lui le véritable danger n’est pas du côté fiscal mais du côté réglementaire. "Avec les mutations liées au numérique, il est essentiel de ne pas toucher au droit d’auteur", explique-t-il, en s’inquiétant des actuelles discussions sur le sujet à Bruxelles.

Le débat a été conclu par Pierre Lescure, futur président du Festival de Cannes et auteur d’un rapport sur les politiques culturelles à l’ère numérique, qui a considéré que "seule une Europe unie comme un seul pays sera en mesure de négocier avec les mastodontes américains ou chinois". » A écouter les différents intervenants, cette vision "fédérale" est encore loin d’être acquise.

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