6 avril > Histoire France > Michel Biard

On se souvient de son savoureux Parlez-vous sans-culotte ? (Tallandier, 2009, Points, 2011) qui nous plongeait dans l’argot du Père Duchesne. Michel Biard (université de Rouen) ne quitte pas la Révolution française, mais il descend un peu plus bas. En ouvrant les portes des Enfers, il montre que c’est alors le dernier salon où l’on cause, entre deux supplices ou deux "chieries infernales".

Le choc de 1789, suivi de celui de la Terreur, a fait surgir une littérature "infernale", des pamphlets qui expédient dans l’au-delà les révolutionnaires ou leurs adversaires selon l’obédience politique de l’auteur. Il fallait donc un historien particulièrement audacieux pour fouiller ces diables d’écrits. On y fait mourir une deuxième fois ceux qui sont déjà passés sous la guillotine comme Philippe Egalité, alias le duc d’Orléans, ou Louis Capet, alias Louis XVI. Le prince de Lambesc, qui a donné la cavalerie contre les manifestants dans le jardin des Tuileries le 12 juillet 1789, est particulièrement bien servi en tant que personnage le plus détesté des premiers mois de la Révolution. Plus tard, Robespierre sera accueilli en fournisseur officiel de cadavres dans ces limbes. Par souci d’égalité, on y envoie aussi des femmes comme la comtesse du Barry.

Jamais le diable n’a été aussi présent dans les libelles et les productions théâtrales que dans ces années-là. Mais que tirer de ces textes ? On y voit comme une sorte d’équivalence entre les faits historiques et les faits fantasmés. L’enfer apparaît comme un grand défouloir où tout est permis. Le dessous - du latin infernus - prend sa revanche sur le dessus. Les damnés de la terre sont rejugés au sous-sol. Et chacun y prend visiblement un malin plaisir.

Laurent Lemire

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