Trop jeune pour réfléchir aux questions de politique et de philosophie ? Sûrement pas pour Agnès Rosenstiehl. De A comme Avantage et Âge à Z comme Zizanie et Zzzz, ce malicieux abécédaire associe deux mots à chaque lettre, dans une dialectique riche de sens. Par exemple à la page I, il est question d'île et d'infini. « Mais où sont les limites de l'île et de l'infini ? », se demandent les petits personnages toujours de profil. Parfois le questionnement s'ancre dans la vie la plus matérielle qui soit. Ainsi la lettre Q comme Quantité met en scène un étal de quatre saisons où l'opulence l'emporte sur la qualité et où fleurissent de drôles d'écriteaux : « En promo : tomates imputrescibles », « Légumes enfants : garantis sans goût. » À la page A une petite fille demande : « Quel avantage d'âge en âge ? » Du tac ou tac, un petit garçon lui répond : « Ben on vit, tiens ! Y a des milliards de gens qui n'existent pas ! » Certaines pages sont lucides et pessimistes quant à la nature humaine. La page G est terrible : à gauche le mot Goinfre en gros, avec, en couleurs, un tombereau de victuailles, à droite le mot Gouffre avec, en noir et blanc, une armée famélique de pauvres hères, de va-nu-pieds qui lorgnent vers la page de gauche... Une page comme un coup de poing dans l'estomac. Impayable, la page R comme Rayures où l'on voit un zèbre se réjouir : « Pour une fois que je ne suis pas à la page Z. » Un abécédaire bien parti pour devenir le nouvel album culte de la grande Agnès Rosenstiehl !
Alphabet politique
THIERRY MAGNIER
Tirage: NC
Prix: 18,50 € ;
ISBN: 9791035203733
Soudain l'été dernier
La guerre à hauteur d'enfant dans ce témoignage bouleversant de Michal Skibinski mis en image par Ala Bankroft.
Été 1939. Michal, 8 ans, est envoyé avec son frère à la campagne, non loin de Varsovie. Afin d'améliorer son écriture, il doit consigner quotidiennement dans son journal toutes ses activités, si menues soient-elles. Au début elles oscillent entre « J'ai trouvé une chenille et je l'ai installée dans mon jardin » et « J'ai attrapé une guêpe dans mon verre ». Le 1er septembre 1939, le monde bascule. Le journal de Michal aussi. « La guerre a débuté », note-t-il sobrement. Elle s'invite peu à peu dans toutes les pages et fait voler en éclats la belle insouciance du début. Mais la guerre est vue à hauteur d'enfant. C'est ce qui touche avec force dans ce précieux document d'archives. L'enfant a certes conscience des dangers, mais malgré la menace, le présent dans lequel il vit est plus impérieux que tout. Après la déclaration de guerre, il retourne à Varsovie chez ses grands-parents. Les notations au jour le jour sont bouleversantes de simplicité. « Je me suis caché à l'approche des avions », « Des shrapnels sont passés au-dessus de notre maison. » Si la guerre s'immisce dans l'écrit, elle fait aussi irruption dans les peintures expressionnistes d'Ala Bankroft. Au début, c'est une orgie de vert, de jaune, de bleu pour glorifier la lumière d'été qui nimbe la campagne polonaise. Peu à peu les pages se teintent de vert sombre, bleu foncé, et noir. Gorgées de puissance, ces peintures évoquent avec infiniment de grâce les jours troublés de cet été indélébile. Tout simplement magnifique.
J'ai vu un magnifique oiseau
ALBIN MICHEL JEUNESSE
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 14,50 € ; 120 pAGES
ISBN: 9782226451231
