2 mars > Roman Etats-Unis > Cookie Mueller

Elle était folle. A moins que ce ne furent les temps dont elle se fit la fervente compagne, ces années 1960 à 1980 qui fournirent à celles qui suivirent inépuisable matière à nostalgie. Tout de même, la folie de Cookie Mueller avait une gueule qui ne l’était pas moins. A tel point que l’on pourrait aussi bien la confondre avec un vrai et pur talent, et un authentique génie des situations.

Ecrivaine, Cookie Mueller l’était d’autant plus qu’elle n’avait pas spécialement cherché à le devenir. Presque tous ses livres parurent d’ailleurs après son décès dû au sida, en 1989, à l’âge de 40 ans. Pas plus que cette petite fille de Baltimore, passée par le San Francisco hippie et réinventée en icône de l’avant-garde new-yorkaise, n’avait voulu être go-go danseuse, actrice ou critique d’art ; toutes activités qui furent un temps les siennes.

Ce que voulait Cookie, c’était vivre. Vivre sa vie comme l’on noircit un cahier de brouillon en se disant que l’on a le temps de le repasser au propre. C’est du moins l’impression qui vient à la lecture de cette Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir par laquelle Finitude inaugure la traduction de son œuvre. En autant de courts récits éclatés, c’est un recueil de Mémoires qui nous plonge dans le "cœur nucléaire" de ce que fut la contre-culture américaine, de Jim Morrison à Nan Goldin en passant par John Waters, à l’heure où le sida s’apprête à tirer le rideau pour tout le monde.

Autant d’histoires donc, en rose et noir, de contes de fées à base de viol, d’overdose, de dérives au cœur du vieux pays, mais traversés de brèves élégies. Cookie Mueller écrit comme on se fait une ligne, sur un coin de table et dans l’urgence. En cela, par son indolence et sa rapidité, bien plus qu’une enfant tardive de la Beat generation, elle doit être considérée comme la sœur qui aurait mal tourné d’une Eve Babitz (Jours tranquilles, brèves rencontres, Gallmeister, 2015), voire d’une Joan Didion. En tout cas, comme une écrivaine, voire déjà culte. O. M.

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