Chris Offutt, "Les gens des collines" (Gallmeister) : Kentucky Noir

Chris Offutt, Iowa City, Iowa, July 2011 - Photo © Sandra L. Dyas, Photography

Chris Offutt, "Les gens des collines" (Gallmeister) : Kentucky Noir

Chris Offutt excelle à inventer des histoires de meurtres sordides, au fil desquelles la laideur des êtres humains contraste avec la beauté des paysages de son Kentucky natal.

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Par Cédric Fabre
Créé le 13.04.2022 à 11h00

Arpentant des vallons envahis de fougères, un vieux promeneur cherche des plants de ginseng qu'il espère revendre à bon prix, jusqu'à ce qu'il tombe sur le cadavre d'une femme vêtue d'une robe élégante mais dont la culotte a été arrachée. Tout le monde, dans le comté de Rowan, appréciait la discrète Nonnie, qui vivait avec son fils dans la ferme de son frère. Tandis que le promeneur songe que « c'est un joli coin pour mourir », la police arrive sur les lieux en même temps que des curieux venus profiter du spectacle... Une certaine Linda Hardin est devenue la première femme shérif du comté ; c'est la sœur adorée de Mick, un ancien parachutiste rescapé des conflits irakien et syrien, désormais enquêteur pour l'armée et revenu au pays pour reconquérir sa femme Peggy, enceinte d'un autre. Il entreprend de seconder sa sœur dans son enquête, sans mandat, ignorant les coups de fil incessants de ses supérieurs qui le pressent de regagner sa base pour ne pas être considéré comme déserteur. On s'attache rapidement à ce redneck mal débourré, qui semble osciller constamment entre le stress post-traumatique et la gueule de bois, qui connaît les collines comme sa poche et qui ne possède comme trésor qu'une plume de chouette et une grenouille-taureau momifiée.

Dans le patelin de Morehead, les vieilles familles qui peuplent les lieux sont plutôt taiseuses : « Bizarre, car en général, quand on trouve un cadavre, la plupart des gens savent qui l'a tué », fait observer l'un des habitants. Linda et Mick enquêtent à leur façon, faisant jouer la bonne réputation dont a toujours bénéficié leur famille. Ils étudient la terre des sols alentour plutôt que le cadavre lui-même, interrogent de vieux fermiers armés et menaçants, entre la station-service « Chez Haney-Bible et pneus » et la ferme d'une mamie, reconvertie par ses petits-enfants en laboratoire de fabrication de meth. Tout se corse quand Mick est traqué par deux truands simplets, fans de fast-food italiens et de films d'aliens, envoyés par un gros bonnet de la drogue de Detroit pour s'assurer que leur fournisseur à Morehead n'a pas d'ennuis avec la police.

Flic intuitif et concentré comme un champion de billard, Mick sait qu'il doit aller vite, avant que la famille de la victime ne décide de punir elle-même le premier coupable potentiel. Tout ce que sait Mick, c'est qu'il doit se réconcilier avec lui-même et avec « ses » collines pour retrouver la pureté de l'enfant innocent qu'il fut, seule condition pour identifier le criminel. Son seul mantra, il le tient de son grand-père coureur des bois : « Chercher interférait avec la capacité à trouver. »

Chris Offutt, auteur encensé à ses débuts par Jim Harrison, œuvre à la limite du nature writing sans jamais tomber dans les lourdeurs d'une spiritualité animiste débordante, se contentant de dépeindre une communauté de pauvres gens aux certitudes et aux préjugés immuables. Ses personnages semblent enracinés à jamais dans leur territoire et leurs traditions, comme s'il s'agissait d'une damnation.

Chris Offutt
Les gens des collines Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anatole Pons Reumaux
Gallmeister
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 22,50 € ; 240 p.
ISBN: 9782351782538

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