Avant-critique Essai

Chargée de programme dans plusieurs châteaux et institutions, Clara Delannoy est une spécialiste des jardins, de leur évolution à travers l'histoire. Vaste et passionnant domaine, dont elle nous offre ici une synthèse impeccable.

À l'origine, rappelle-t-elle, il y avait le jardin des riches Romains, hortus gardinus, clos, privé, réservé aux habitants de la domus et à leurs hôtes. Usage qui perdura peu ou prou jusqu'à la Renaissance. Mais, dès les XVIIe et XVIIIe siècles, sans doute sous l'influence de l'Angleterre, les jardins royaux et princiers, des Tuileries, du Roy (futur Jardin des Plantes), du Palais-Royal, et même de Versailles (à condition d'être vêtu proprement !) se virent ouverts au public. Une pratique que la Révolution reprit à son compte, mais selon un usage réglementé. C'est encore ce qui se fait aujourd'hui dans notre pays, où, à côté des jardins vraiment publics, il existe nombre de jardins appartenant à la collectivité (l'Élysée, les ministères, les préfectures etc.), jamais ou rarement ouverts. Quant aux jardins appartenant à des propriétaires privés, l'accès, laissé à leur discrétion, en est la plupart du temps dicté par des considérations économiques (faire payer pour visiter) et l'obtention du classement aux monuments historiques qui impose certaines obligations d'ouverture.

Afin d'illustrer cette évolution du statut des jardins, qui prend place dans celle de nos mentalités, Clara Delannoy a choisi sept sites remarquables, à l'histoire révélatrice. Parmi lesquels les jardins du marquis de Girardin à Ermenonville, où mourut et fut inhumé en 1778 Jean-Jacques Rousseau, ouverts à tous, au point que l'affluence sur la tombe de l'écrivain finit par poser problème. Le jardin de Cassini, rue de Babylone, laissé en panne en 1793 par sa veuve la marquise, réfugiée en Angleterre, et qui, grâce au citoyen Vallé, qui en avait la garde, devint un des vergers du faubourg Saint-Germain destinés à procurer à manger au peuple affamé. Ou encore les somptueux jardins du banquier Albert Kahn, à Boulogne, un « véritable manifeste pacifique », un monde idéal qu'il prit autant de plaisir à concevoir qu'à photographier, puis filmer. Ils viennent de rouvrir, assortis d'un musée flambant neuf. Kahn aimait à les faire visiter à ses amis. Courons-y, ce livre à la main.

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