Avant-critique Récit

Clément Ghys, "Le passant du Bowery" (Seuil)

Clément Ghys - Photo © Emmanuelle Marchadour

Clément Ghys, "Le passant du Bowery" (Seuil)

Dans Le passant du Bowery, Clément Ghys livre une rêverie douce autour d'un immeuble new-yorkais où vinrent se poser au siècle dernier toutes les modernités.

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Par Olivier Mony
Créé le 01.09.2023 à 09h00 ,
Mis à jour le 20.09.2023 à 11h31

Un immeuble de rapports. C'est un immeuble de rapport. 222 Bowery, sud-est de Manhattan. Un bâtiment de brique qui pourrait être décati s'il ne l'était pas plus ou moins déjà de toute éternité. Aujourd'hui, même cette façade hors d'âge n'a sans doute pas échappé aux avanies de la gentrification. Qu'importe, les fantômes, parce qu'ils sont gentils et doux aux souvenirs, résisteront bien encore un peu à la spéculation immobilière. Ils en ont vu d'autres. Leurs noms ? Fernand Léger, Mark Rothko, Robert Rauschenberg, John Giorno, William Burroughs, Allen Ginsberg, plus tard, Diane Arbus, Richard Avedon, Frank O'Hara, Gregory Corso, Susan Sontag ou Jean-Michel Basquiat. Bienvenue chez les nerveux du monde. Qu'ont-ils vu dans cet immeuble qui fut leur pour une œuvre, des années, un amour, un soir, une party ? De l'espace et de la lumière sans doute, peut-être même parfois juste un concours de circonstances... Tous ne se le tinrent pas également pour acquis. Pour certains, le Bowery ne fut qu'un épisode. Ils y passèrent. Rendant visite à ceux qui s'y étaient installés. Aucun pourtant n'en sortit, ni artistiquement, ni politiquement, ni sexuellement, tout à fait tel qu'il ou elle était en franchissant pour la première fois le seuil.

À quoi ça tient tout de même une mythologie. À la force d'un regard d'abord (d'un désir également). Celui ici de Clément Ghys, parmi les plus vives plumes du paysage du journalisme culturel d'aujourd'hui. C'est probablement lui, ce « passant du Bowery », qui donne son titre à cette sorte de balade biographique, toujours élégante et volontiers mélancolique, qui l'amène à traquer la faune du « 222 ». On y lira, avec profit bien sûr, des chapitres de bien des combats, du féminisme, des droits des minorités sexuelles et raciales, de ceux des premiers malades du Sida. Mais aussi les aléas de la modernité dans ses expressions les plus teintées des couleurs d'un radicalisme chic et soluble dans la société du spectacle. N'empêche, cette énergie, dont Ghys rend parfaitement les échos, demeure sans pareille. Lorsque les lumières s'éteindront à jamais sur la façade du 222 Bowery, c'est elle et elle seulement, que l'on n'oubliera plus.

Clément Ghys
Le passant du Bowery
Seuil
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19,50 € ; 288 p.
ISBN: 9782021505177

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