Créateur de la récente collection éditoriale Scribes chez Gallimard, Clément Ribes, 34 ans, n'en est pas à ses premiers pas dans l'édition. Après une année de césure à Harvard où il donne des cours de langues pendant un an, ce normalien de formation, finalement peu attiré par l'enseignement, trouve un premier stage aux éditions au Seuil. Suivi des projets, relectures avec les auteurs, fabrication… il y découvre la diversité du métier durant six mois. Puis, il devient lecteur pour Flammarion. « J'étais un grand lecteur de littérature, mais assez snob. J'ai appris, à ce moment là, à réinterroger mes présupposés et à lire les textes autrement : plus uniquement pour mon plaisir, mais pour son public potentiel », raconte-t-il. Dans ses goûts, pas mal d'auteurs et d'autrices du catalogue P.O.L.

Mais c'est à L'Olivier que Clément Ribes fait vraiment ses armes et affine son travail en édition, pendant six ans. D'abord en tant que coordinateur éditorial, puis comme éditeur, en littérature étrangère principalement. C'est là qu'il noue ses premières relations professionnelles avec les auteurs, qu'il les accompagne dans l'élaboration de leur texte. Le premier livre qu'il a suivi de bout en bout en tant qu'éditeur ? Celui de C. L. Mary, Zone grise. C'était il y a tout juste 10 ans.

Réinterpréter une maison

À l'été 2019, la maison Christian Bourgois étaient à la recherche d'un directeur éditorial et fait appel à Clément Ribes. Sa mission fut alors de réinterpréter l'héritage de la maison aux couleurs du contemporain, tout en maintenant son exigence littéraire, de diversifier le catalogue de la littérature étrangère et de reconstituer le domaine français. Avec son équipe, il fait alors entrer Grégory Le Floch, Hugo Lindberg, Salomé Kiner…

Quelques mois avant le Covid, il parcourait la France à la rencontre des libraires pour leur présenter la nouvelle ligne de la maison Bourgois. C'est d'ailleurs dans ces années-là qu'il fait entrer le futur Nobel Jon Fosse (en 2021) au catalogue de Bourgois, dont les romans n'étaient plus traduits en France. En 2022, il frappe à la porte d'Antoine Gallimard, qui lui propose de créer sa propre collection. Quelques mois plus tard, en août 2022, Scribes est lancé.

Des espaces de laboratoire

Le premier titre de la collection, Au moins nous aurons vu la nuit d'Alexandre Valassidis, frôle les 1 000 exemplaires vendus, le deuxième, Client mystère de Mathieu Lauverjat, 1 500… la machine est en bonne route. Quand on lui demande la ligne de la collection, l'éditeur grimace : « Je me méfie toujours de ceux qui savent parfaitement quels sont leurs gouts. » Les ressemblances et les liens à établir entre ses différents titres s'imposent au fil de la construction de son catalogue.

S'il publie des plumes française, l'éditeur a tout de même conservé une forte curiosité pour les textes étrangers, et se passionne pour le métier de traducteur. « Je considère le traducteur comme un passeur, il établit un lien avec des mondes littéraires qui nous échappent. » Ce que Clément Ribes entend dessiner dans le paysage éditorial avec Scribes, c'est « une littérature qui cherche ses mots sans certitude de les trouver. Des textes qui n’ont pas peur d’arpenter des territoires encore inconnus. Des romans qui nous touchent par ce qu’ils racontent, mais aussi par leur style. Des propositions qui ouvrent de nouveaux chemins. Des espaces de laboratoire. » Roman et non fiction, littérature française et étrangère, Scribes propose des « objets hybrides qui se jouent des genres ».

Avec dix titres par an et une première année complète de publications en 2023, Clément Ribes œuvre dans le sens du temps long – « mes livres ne sont pas des hot books » – et pour des titres qui s'imposent à la mémoire.