Bien des choses séparaient André Gide (1869-1951) et André Malraux (1901-1976). L’âge, tout d’abord. Le milieu social. Et même, au départ, une certaine idée de la littérature, laquelle devait, aux yeux du cadet, s’ancrer plus dans le réel, dans l’Histoire, et non plus se contenter de rechercher le plaisir esthétique. Mais les circonstances de leur époque, la montée des dictatures, la guerre et ses conséquences, ont fini par rapprocher leurs positions.
Gide s’est "engagé" sur plusieurs fronts, et les deux écrivains ont milité côte à côte, tout au long des années 1930, contre les fascismes, le nazisme. Gide, encore, dénoncera courageusement, dans son Retour de l’URSS, l’oppression stalinienne. Malraux le défendra lorsque ses anciens amis communistes l’attaqueront, comme il l’avait défendu face à la haine que lui vouait l’extrême droite catholique.
Ils s’étaient rencontrés en 1922, au théâtre du Vieux-Colombier, et ne se sont plus quittés jusqu’à la mort de Gide, même si leurs trajectoires les ont un peu éloignés. L’aîné a favorisé la carrière du cadet dans la littérature et l’édition, le cadet a ensuite, à la NRF, été l’éditeur de son ami. Malraux, "éditeur extraordinaire" dont le travail commence à être étudié, fera l’objet d’une exposition à la Galerie Gallimard à la mi-avril, en même temps que paraîtra cet album catalogue, riche de documents inédits (notamment leur correspondance), qui met en scène l’amitié longue et fructueuse entre deux "contemporains capitaux". Jean-Claude Perrier