Le cuisinier bat avec son fouet les ingrédients de sa sauce cocktail, il dessine des cercles dans l'émulsion cireuse, quand tout à coup, dans les anneaux concentriques, il voit « l'onde se propager jusqu'aux rives de l'étang, faisant ploc ploc autour des pieds de l'enfant canne en main dans sa neuvième année, on ne sait pourquoi revisité à ce moment-là et sous cette forme-là, au moment même où le père meurt, les pieds dans l'eau (j'ai donc nommé moi-même, donc), assis au bout de son ponton tout seul dans sa solitude, tout seul dans cette belle solitude sereine que lui a transmise le père [...].» Un père à la plancha de Samuel Poisson-Quinton est un « autoportrait » du père, à savoir un portrait du père à travers les yeux du fils qui vient de le perdre. Le narrateur, barbu et hirsute, ressemble, au même âge, à son géniteur excentrique psychiatre, lui-même interné et mort fou. Mais hors cette solitude en héritage, le fils qui fait des burgers « en attendant » a l'impression de n'avoir rien pu recevoir de ce père fermé, avec lequel les relations furent si souvent conflictuelles. « Après tout, les fils étaient-ils dans l'obligation d'enterrer leurs pères ? » Le drame de l'incommunicabilité est au cœur de ce beau texte, en clair-obscur, où l'impénétrable ténèbre l'emporte sur la joie claire.