Marie est une fille qui s’est toujours plus intéressée "à être plutôt qu’à devenir". L’héroïne du nouveau roman de Chloe Aridjis a 33 ans. Après la fac, elle a d’abord travaillé pendant huit mois dans une libraire de Camden, à Londres. A une époque où elle logeait dans le salon d’un séducteur gothique possédant deux furets et capable d’écouter David Bowie tout bas.

La jeune femme a ensuite changé de voie et est devenue experte "en bruits de chaussures sur le plancher". Dès l’ouverture des portes, à 10 heures du matin, Marie prend son poste de gardienne au British Museum, revêtue de son uniforme "veste gris souris avec une jupe ou un pantalon assorti, un chemisier lilas tendre et une cravate d’un mauve éclatant". Son rôle consiste à diriger "les visiteurs vers une entrée, une sortie, ou n’importe quel endroit qu’ils veulent rejoindre ou quitter".

Voici un métier où l’on peut souffrir d’ennui et d’apathie. Où il faut toujours rester en alerte. Son arrière-grand-père, Ted, était quant à lui gardien à la National Gallery. A tout jamais, il a été marqué par les méfaits d’une suffragette munie d’un hachoir ayant débarqué au musée en 1914 afin d’y taillader une œuvre d’art. A côté de ça, Marie mène une existence simple. Elle vit en colocation avec Jane, dénicheuse de talents et publicitaire pour un petit label de disques indépendant, qui semble obnubilée par les mites.

La jeune femme peint des paysages miniatures sur des coquilles d’œufs. Boit des verres avec son meilleur ami, Daniel Harper, un ancien collègue qui est à la fois poète et porté sur les serveuses ! Remarquée avec Le livre des nuages (Mercure de France, 2009) qui lui avait valu le prix du Meilleur livre étranger, Chloe Aridjis ne cesse d’étonner dans Déchirures. Un roman subtil et étrange, où l’on s’attache d’emblée aux pas d’une héroïne en quête d’elle-même. Où l’on avance comme à tâtons, toujours surpris et bluffé par l’univers d’une écrivaine capable de jouer avec l’ombre et la lumière.

Al. F.