Entretien

David Foenkinos : "Mon modèle, c'est Antoine Doisnel"

OLIVIER DION

David Foenkinos : "Mon modèle, c'est Antoine Doisnel"

Et si c'était lui le Goncourt 2011 ? Une chose est sûre : tous les jurés de novembre vont se disputer David Foenkinos dans leurs short-lists. Avec Les souvenirs, qui paraît le 18 août, l'auteur d'Inversion de l'idiotie signe le meilleur livre de sa courte mais déjà longue carrière : une dizaine de titres en dix ans.

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Par Daniel Garcia
Créé le 27.10.2015 à 18h09 ,
Mis à jour le 12.02.2016 à 17h48

Les souvenirs, c'est l'histoire attachante et drolatique d'un jeune homme qui (dans le désordre) rêve d'être écrivain, rencontre l'amour, puis le désamour, devient père, perd son grand-père et part à la recherche de sa grand-mère échappée d'une maison de retraite. Emouvant, loufoque, ce roman très habile ("consensuel et fédérateur", diraient les analystes des lauriers littéraires d'automne) tombe à point nommé dans le parcours de David Foenkinos : il suit La délicatesse (Gallimard, 2009), qui a signé son entrée dans le petit monde des auteurs bankable (plus de 200 000 exemplaires déjà vendus en Folio). Et la presse, qui l'a toujours considéré avec bienveillance, devrait cette fois se ruer sur lui. Si Livres Hebdo ouvre le bal, ce n'est que d'une courte tête : dès la semaine prochaine, Technikart, le mensuel des branchés, lui consacrera pas moins de cinq pages. Avant la déferlante de la rentrée. Puis, en décembre, sortira sur les écrans l'adaptation de La délicatesse, avec Audrey Tautou en vedette, réalisée par... David Foenkinos, avec son frère Stéphane. La rentrée littéraire 2011 promet donc d'être le "moment Foenkinos". A preuve : Gallimard tirera d'emblée Les souvenirs à 40 000 exemplaires !

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Livres Hebdo - C'est très joli, cette histoire de grand-mère qui s'enfuit de sa maison de retraite. On a envie d'y croire...

David Foenkinos  - Mais c'est faux ! Même si beaucoup de détails sont véridiques. C'est un livre très personnel, peut-être le plus personnel de tous, mais en termes de péripéties, tout est inventé. Y compris la grand-mère. Ce n'est pas ma grand-mère.

Que vouliez-vous raconter avec ce livre ?

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La nostalgie. Ce qui reste. Ce qui s'échappe. Au fond, c'est un livre sur la mélancolie. Mais c'est aussi un livre sur la création. Sur quelqu'un qui a envie d'écrire et dont le cheminement lui fait comprendre que plus il s'acharne, et moins il y arrivera.

Le considérez-vous comme votre roman le plus important ?

Oui, dans la mesure où il est un petit peu plus ambitieux, qu'il fait écho à des thèmes qui me touchent et qu'il est proche d'une autobiographie possible. J'aurais pu faire La délicatesse 2, au lieu de quoi celui-ci est un livre plus sombre. Même si j'introduisais déjà, dans La délicatesse, une dose de mélancolie. Peut-être suis-je arrivé à un moment où j'aimerais écrire des choses plus personnelles.

Comment expliquez-vous le succès de La délicatesse ?

Je ne me l'explique pas ! Quand je pense qu'il avait été tiré à 7 000 exemplaires et qu'aujourd'hui il sort au rythme de 10 000 exemplaires par semaine en Folio, et qu'il a été vendu dans le monde entier, je trouve cela assez incroyable. Mais je reçois beaucoup de méls sur le deuil. Peut-être ai-je réussi à exprimer des choses graves, noyées dans le n'importe-quoi, qui résonnent chez mes lecteurs ? Si mes livres marchent mieux, c'est peut-être aussi parce qu'ils s'inscrivent dans des proportions plus réalistes. Avant, j'emmenais sans doute trop le lecteur dans l'absurde. Je ne renie rien, mais j'en avais un peu marre de l'absurde.

En même temps, la "griffe Foenkinos", c'est ce mélange de gravité et de loufoquerie...

J'essaie toujours de trouver des angles qui vont susciter de l'amusement. C'est peut-être une forme de pudeur de ma part. Le besoin d'introduire coûte que coûte un peu de guignolerie dans le romantisme. On m'a souvent traité d'auteur romantique, "l'écrivain qui murmurait à l'oreille des femmes", des conneries de ce genre, ça ne me dérange pas. Je n'ai aucun problème avec le romantisme. Mais j'aime bien, aussi, que ça dérape dans la loufoquerie. Cependant, mon personnage n'est pas loufoque. C'est un garçon sensible, qui rêve de manière un peu désuète à la littérature. Mon modèle, c'est Antoine Doisnel. Son personnage garde pour moi une influence très forte dans mon rapport littéraire à la vie.

Aviez-vous dressé comme lui, à 15 ans, un petit autel à Balzac dans votre chambre ?

Non, parce que j'ai lu très tardivement. Je n'avais pas ouvert un livre avant 16 ans. Et puis, je suis tombé malade, et j'ai dû passer deux mois à l'hôpital. Comme j'étais amoureux d'une fille qui adorait lire, je me suis mis à lire ce qu'elle aimait. De la lecture, je suis passé insensiblement à l'écriture. J'ai commencé par écrire des lettres d'amour aux filles...

Vous continuez ?

Non, maintenant que je suis un écrivain à succès, un texto suffit ! (rires). En écrivant ces lettres, j'ai pris goût à écrire. Je suis ensuite passé à la nouvelle. Et maintenant, mon énergie littéraire va dans les romans.

Vous disiez, tout à l'heure, recevoir un grand nombre de méls de vos lecteurs. Vous êtes un auteur très impliqué dans les nouvelles technologies de communication...

Oui et non. C'est vrai que j'ai tenu un blog pour Livres Hebdo ! Mais on m'a très souvent proposé de faire un site, et j'ai toujours refusé. Et je ne suis pas très actif sur mon profil Facebook. Mais je suis très disponible par mél. Je ne suis pas pour la sacralisation de l'auteur - "Si vous voulez me joindre, passez par mon éditeur...". Le mél me permet par exemple un lien direct avec les libraires. Je gère moi-même l'organisation d'un grand nombre de rencontres ou de signatures, sans en parler à Gallimard. Je fais partie de ces auteurs qui se déplacent beaucoup : librairies, classes scolaires, salons du livre, bibliothèques... Même les plus modestes endroits : je n'ai aucun snobisme là-dessus.

Votre succès grandissant ne s'explique-t-il pas, également, par cette disponibilité ?

Sûrement. Je me suis beaucoup déplacé, depuis dix ans. Mais je ne suis pas non plus en campagne électorale ! Je n'ai pas fait cela en me disant : "Un jour, ça va payer." Je l'ai d'abord fait pour me sortir de chez moi, ça me permettait de rompre avec la solitude du travail d'écriture.

Et votre film ? En êtes-vous satisfait ?

Oui. Je suis surtout soulagé. On pourra bien sûr ne pas l'aimer, mais le résultat est honnête avec ce que nous voulions faire. Et son destin est étonnant. Il a déjà été vendu à 17 pays, dont les Etats-Unis, alors que personne n'a encore vu une image !

N'y a-t-il pas un effet générationnel, de passer ainsi de l'écrit à l'écran ?

Générationnel, je ne sais pas. Il y a toujours eu des écrivains qui ont fait des films. Cela dit, j'ai lu récemment dans vos colonnes que tous les derniers césar du Meilleur premier film - Riad Sattouf, Joann Sfar, Philippe Claudel... - avaient été décernés à des gens venus de l'édition. Peut-être tout simplement parce que dès lors que nous avons du succès, nous sommes davantage en position d'accéder à la réalisation. Pour ma part, j'ai toujours adoré le cinéma, mais je n'étais pas du tout obsédé par la réalisation. Quatre ou cinq de mes livres ont déjà été achetés par le cinéma, et j'ai toujours refusé d'écrire le scénario. La délicatesse, c'était différent. Celui-là, je ne voulais pas le lâcher. Mais je ne referais pas un autre film dans les six mois. L'écriture reste pour moi l'obsession absolue. Rien n'arrivera jamais à sa hauteur.

On dit parfois de vous que vous êtes l'"Anna Gavalda au masculin"...

Oui, c'est Libé, qui avait sorti ça. J'avoue que je ne vois pas trop. Nos univers, me semble-t-il, n'ont rien à voir. Nos écritures non plus. Peut-être le côté "bons sentiments" ? En fait, je me demande si cette comparaison ne s'est pas imposée dès lors que j'ai commencé à vendre. Même si je suis encore loin derrière elle. Cela dit, je suis OK pour avoir ses chiffres ! Mais je crois aussi qu'avec le succès il va falloir que je m'habitue à ce genre de questions...

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