Philippe Jaccottet est décédé à l'âge de 95 ans, a annoncé, le 25 février, la famille de l’auteur. Prix Goncourt de la poésie en 2003, l'écrivain vaudois était l’un des rares poètes, avec René Char et Saint-John Perse, à avoir été publié de son vivant dans "La Pléiade", en 2014.
Né à Moudon (Suisse) en 1925, Philippe Jaccottet part en 1946 à Paris et devient collaborateur des Éditions Mermod. Il y débute sa carrière de traducteur en langue française, avec sa première traduction, La Mort à Venise, de Thomas Mann. Au sein des éditions Mermod, le jeune homme fait la connaissance de grands noms de la littérature : Jean Paulhan, Henri Thomas, Pierre Leyris ou encore Francis Ponge. En 1953, il épouse Anne-Marie Haesler, artiste peintre, et le couple s’installe à Grignan, dans la Drôme.
Dès la fin de la Seconde guerre mondiale, il publie Requiem, des poèmes de jeunesse, (Mermod, 1948). Depuis sa publication, l’auteur s’était éloigné de son premier livre, au point d'en refuser pendant plus de quarante ans la réédition. Le poète poursuit son chemin en poésie avec des ouvrages remarqués, La Promenade sous les arbres (Mermod, 1957), Airs (Gallimard, 1967) et Paysages avec figures absentes (Gallimard, 1970), où il relie l’expérience poétique à l’émotion ressentie dans le monde sensible. près Pensées sous les nuages (1983), Cahiers de verdure (1990), Et néanmoins (2001), il mêle prose poétique et vers dans l'espoir de "concilier du moins, approcher, la limite et l'illimité, le clair et l'obscur, le souffle et la forme". Il écrit aussi de nombreux essais.
Mystique
Parallèlement à son œuvre personnelle, Philippe Jaccottet n’a cessé de traduire. On lui doit des traductions de textes en allemand, espagnol, russe, italien, tchèque, japonais, ou encore en grec ancien. Il s'est notamment consacré à la traduction de toute l’œuvre de Robert Musil et une part considérable des œuvres de Rainer Maria Rilke, On lui doit également une transposition de L'Odyssée d'Homère et de Mort à Venise de Thomas Mann, mais aussi l’édition des œuvres de Hölderlin dans la bibliothèque de la Pléiade.
Tout au long de sa carrière, le suisse a reçu de nombreuses distinctions, dont le Grand Prix Schiller en 2010, le Grand prix de poésie de la SGDL en 1998, le Grand prix national de Poésie en 1995, le Grand prix national de la Traduction en 1987 et le Prix Montaigne en 1972.
"Le poème nous ramène à notre centre, à notre souci central, à une question métaphysique", explique ce mystique sans dogme, élevé dans la culture protestante, dans Semaisons. Pour lui, "la tâche la plus belle et la plus justifiée de la poésie est de saisir tout l'infini de l'existence à l'intérieur du cadre très rigoureux" que constitue le genre poétique. Philippe Jaccottet voulait célébrer "la dimension secrète du monde, celle qu'on n'arrive pas à mesurer avec des mesures scientifiques, celle qu'on ne peut pas chiffrer".