5 avril > Essai France > Jean Marchioni

Médecin, Jean Marchioni est un passionné d’histoire napoléonienne, période à laquelle il a consacré plusieurs livres, notamment un, Place à Monsieur Larrey, chirurgien de la garde impériale (Actes Sud, 2003), amplement mérité : un grand homme doit savoir s’entourer, et Napoléon Bonaparte l’avait bien compris, même s’il a commis quelques erreurs de casting, surtout à la fin, aveuglé par sa mégalomanie ou trop confiant en sa bonne étoile. Il a été aussi passionnément servi que trahi.

Pas par Larrey, qui sauva tant de vies. Ni par le merveilleux Vivant Denon (1747-1825), qui devint, au retour de l’expédition d’Egypte (1798-1801) - durant laquelle il se conduisit non seulement en "artiste antiquaire", mais aussi en combattant valeureux, lui, le courtisan de cabinet et de salons, déjà âgé de plus de 50 ans -, une sorte de ministre de la culture du général Bonaparte puis de l’empereur Napoléon Ier. Son nom est passé à la postérité pour deux grandes raisons : son magistral Voyage dans la basse et la haute Egypte (1802), et, surtout, les douze années, de 1803 à 1815, qu’il a passées à la tête du Louvre (d’abord Muséum central des arts de la République, puis Musée Napoléon), charge qui englobait aussi les résidences impériales. Avec une énergie inlassable, il a transformé la pétaudière décrépite d’origine en un formidable outil de culture, dans une perspective étonnamment moderne. Il aurait adoré la pyramide de M. Pei. Il a, sans relâche, œuvré à agrandir les collections, avec des méthodes parfois discutables, notamment à l’égard des pays occupés (Italie, Allemagne, Autriche…). Et il a aussi lutté farouchement, après la chute de l’Empire, dans Paris occupé par les soudards alliés, contre le démembrement de ce qui était déjà le plus beau musée du monde. Intègre, indépendant, visionnaire, social, humain, excellent gestionnaire, inventeur de la décentralisation en région (lui, le riche descendant de viticulteurs bourguignons), Vivant Denon était vraiment un être hors du commun. Ce sybarite mena une longue vie heureuse, jusqu’à sa mort en 1825 dans son somptueux appartement-musée personnel du quai Voltaire, non sans aventures mais confortable. Déjà, cet aristocrate très Ancien Régime (né chevalier de Non, futur baron) a échappé à la Révolution, parce que, diplomate, il a été sans discontinuer en poste à l’étranger (surtout dans sa chère Italie) jusqu’au Directoire. C’était u n célibataire endurci, malgré sa passion pour la Vénitienne Bettine, qu’il n’a jamais épousée même lorsque ce fut possible.

Après d’autres (Philippe Sollers, par exemple), Jean Marchioni, s’appuyant sur des correspondances publiées en 1999 (ses Lettres à Bettine et sa volumineuse correspondance administrative), ressuscite une nouvelle fois Denon. Jamais un homme n’a autant mérité de s’appeler Vivant. J.-C. P.

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