Dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier évoque dans plusieurs chapitres la police au XVIIIe siècle. C’est le point de départ de l’investigation menée par Vincent Milliot (Université Caen Normandie). L’historien est allé rechercher dans les archives les mécanismes de cette police parisienne dont les domaines de compétence n’ont cessé de s’étendre tout comme son appareil bureaucratique. A la sécurité viennent s’adjoindre la salubrité, la santé ou la voirie. Mais cette "mission civilisatrice" n’est pas ressentie comme telle par toute la population. Si elle se veut plus préventive que répressive, cette police chasse les indésirables, les pauvres et les migrants.
Dans ce travail érudit, riche en données sur les recrutements ou les salaires, Vincent Milliot explique qu’il s’agit d’abord pour cette machine complexe de dompter le monstre parisien avec ses 700 000 habitants à la veille de la Révolution. La lieutenance générale de police apparue au siècle précédent à l’initiative de Colbert fonctionne efficacement avec ses commissaires, ses inspecteurs et ses mouchards. Elle se pique d’être juste en n’ayant pas de comptes à rendre à la loi. C’est l’éternel rapport conflictuel entre la police et l’Etat de droit, entre le maintien de l’ordre et la préservation des libertés.
Vincent Milliot donne le mode d’emploi de cette "machine" policière dont les mécanismes généraux n’ont pas fondamentalement changé en plus de deux siècles. Il montre surtout que cette volonté de contrôler l’espace urbain n’a pas résisté à 1789. L. L.