Il lui a fallu longtemps pour en parler ou pour écrire à son propos. Hormis quelques lignes çà et là, ce fut dans les Mémoires d'une jeune fille rangée. Pour Simone de Beauvoir, c'est une « scène initiale » comme dirait Pierre-Jean Jouve. Celle de son amitié (amoureuse sans doute, mais qui n'osa jamais s'avouer telle) avec son amie Élisabeth, dite Zaza, rencontrée lorsqu'elles avaient 9 ans et qui mourut brutalement à l'âge de 21 ans. Il y avait celle qui croyait au ciel, celle qui n'y croyait pas, celle qui voulait vivre de toutes ses jeunes forces naissantes et celle qui rapidement sembla n'y tenir pas plus que ça. Toutes les deux belles, douées, d'un tempérament artiste et issues (surtout Zaza) de la bourgeoisie catholique la plus stricte.

Simone de Beauvoir et Zaza ??- Photo L'HERNE

C'est cette histoire que narre pour la première fois Beauvoir dans un court roman jusqu'alors inédit, Les inséparables, publié par les éditions de l'Herne sous les auspices bienveillants de sa fille Sylvie Le Bon de Beauvoir. Simone est devenue Sylvie, Zaza, Andrée, mais qu'importe, c'est bien d'une autofiction avant l'heure qu'il s'agit, suivant ces deux enfants puis jeunes filles et femmes sur les chemins parfois divergents de leur douce rébellion. Pour Sylvie, volontiers émancipée, la fréquentation sans cesse fascinée d'Andrée suffirait à sa vie. Il y a un mot pour cela, un mot qui entre elles ne sera jamais prononcé. Pour son amie en revanche, si cette amitié est également capitale, d'autres nuages ne cessent d'obscurcir ses jours. Il y a des histoires d'amour malheureuses avec des garçons trop bien élevés (ou peut-être indécis). Il y a surtout ses rapports avec sa mère adorée, sa grande famille, et des règles de vie et de bienséance, dont d'une certaine manière elle ne parviendra jamais à se défaire. Ce sera sa vie et tout indique que ce sera sa mort...

Est-ce ce parfum de vacances partagées dans un grand domaine des Landes qui donne à cette tragédie sentimentale et métaphysique un petit air mauriacien qui lui va bien (comparaison qui aurait sûrement déplu à Beauvoir étant donné ses relations futures avec Mauriac) ? L'auteure restitue avec une grâce fragile mais vraie le parfum d'une époque, celui de jeunes filles rêveuses se faisant à demi-mot des confessions le long des allées du Luxembourg, envisageant peut-être un avenir que l'une des deux ne connaîtra pas, ce dont l'autre restera inconsolable.

Simone de Beauvoir
Les inséparables
L’Herne
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 14 € ; 176 p.
ISBN: 9791031902746

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