« Diaspora » revient dans le débat public. Après une interruption de 21 ans – son dernier titre a paru en 2003 –, la collection dédiée à l’histoire et à la culture du monde juif fondée par Roger Errera en 1971 est relancée par les éditions Calmann-Lévy.
Désormais dirigée par Emmanuel Levine, « Diaspora » se veut la réponse de Calmann-Lévy à un monde en profonde mutation, alors que l’ère des témoins de la Shoah touche à sa fin et que, partout dans le monde, l’antisémitisme progresse et se transforme.
Féminisme, crise écologique et malaise identitaire
Aux thématiques historiquement abordées comme le sionisme, l’assimilation ou l’orthodoxie religieuse s’ajouteront ainsi de nouvelles grandes questions en résonance avec notre temps. Après avoir accueilli des essais devenus des classiques des sciences humaines et sociales comme Vichy et les Juifs de Marrus et Paxton ou Sur l’antisémitisme d’Hannah Arendt, « Diaspora » s’intéressera ainsi au féminisme, à la crise écologique ou encore au malaise identitaire… La collection s’attachera aussi à répondre aux bouleversements inédits provoqués par les attaques du 7 octobre 2023 en Israël, et leurs conséquences pour la pensée critique contemporaine.
« La collection "Diaspora" fait partie de l’histoire de la maison et de l’histoire de l’édition, confie à Livres Hebdo Philippe Robinet, directeur général de Calmann-Lévy. Dans un monde de plus en plus fragmenté, les livres sont porteurs de sens et il nous appartient, en tant qu’éditeur, de prendre notre part dans le débat public. »
Un programme de cinq titres a été dévoilé, couvrant le second semestre 2024 et l’année 2025. « Diaspora » s’ouvrira le 18 septembre avec Israël, l’impossible État normal de Denis Charbit, dans lequel l’auteur s’interroge « sur les racines de la crise généralisée en Israël et ausculte les impasses dans lesquelles le pays s’est fourvoyé. »
En octobre paraîtra ensuite Mythes juifs, le retour du sacré de David Haziza, à la croisée de la critique biblique, de la théologie et de l’histoire juive. Les trois autres titres paraîtront en 2025 : Les paradoxes de l’intégration, l’Europe et les Juifs d’hier à aujourd’hui de Bruno Karsenti (janvier) ; Les Juifs d’Argentine, l’attentat, la mémoire et la justice de Sébastien Tank-Storper (avril) et Ouvrir les portes de la loi, orthodoxie juive et féminisme de l’américaine Tamar Ross, traduit par Myriam Ackermann-Sommer (octobre).
Des essais engagés et incarnés
« Il y avait déjà urgence à relancer "Diaspora" quand on m’a confié le projet il y a un an et demi, confie de son côté Emmanuel Levine. L’attaque du 7 octobre 2023 a encore amplifié ce besoin de réflexion, d’analyse et de connaissance des faits. Elle a eu un effet extrêmement puissant sur les auteurs. » Le directeur de collection, qui assure que « Diaspora » s’adresse à tous les publics et pas seulement aux Juifs, rappelle aussi le caractère engagé de la collection : « Nos essais seront incarnés, portés par des voix qui comptent, que ce soit dans le champ universitaire ou dans le débat public. Mais la collection sera aussi plurielle et non partisane, ouverte à toutes les sensibilités. »
Contrairement à la « Diaspora » originelle, dont les 32 ouvrages parus entre 1971 et 2003 comptaient une majorité d’auteurs étrangers, la collection relancée fera aussi la part belle aux auteurs français, Tamar Ross étant pour le moment la seule autrice traduite annoncée.
Normalien, agrégé et docteur en philosophie, Emmanuel Levine est spécialiste de philosophie française, de philosophie politique et de philosophie juive. Il est aussi traducteur de philosophie latino-américaine.