Né à Boulogne-Billancourt le 19 juin 1937, quatre ans après l’arrivée de ses parents, réfugiés venus de la Palestine, André Glucksmann grandit dans un environnement sioniste communiste. Sa mère entrant dans la Résistance, il vit caché sous l’Occupation. Après des études à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, il obtient l’agrégation de philosophie en 1961.
D'Aron à Mao
Il fait le lien entre différents courants de pensée. Assistant de Raymond Aron à la Sorbonne, il participe aux manifestations de mai 1968. Il vient alors de publier son premier livre Le discours de la guerre (L’Herne, 1967) qui aborde la géopolitique et le nucléaire. La géopolitique reste l’un des piliers son œuvre, notamment en décryptant les conflits en Russie ou en Irak (Ouest contre Ouest, Plon, 2003). Cette figure intellectuelle du "peuple" encense dans un premier temps la révolution culturelle chinoise de Mao, avant de rompre avec le marxisme, faisant un parallèle entre nazisme et communisme (La cuisinière et le mangeur d’homme, Seuil, 1975).
Coups médiatiques
Il participe alors du groupe dit des "nouveaux philosophes" aux côtés de Bernard-Henri Levy, Alain Finkielkraut ou Pascal Bruckner, qui envahissent l’espace médiatique et notamment télévisuel dans la seconde moitié des années 70. Ses livres sont des succès en librairie (Les maîtres penseurs, 1977).
En rupture avec le communisme, il s’engage dans un combat qu’il ne quittera plus: les droits de l'homme. Accompagné de Jean-Paul Sartre et de Raymond Aron, il va plaider pour que le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, intervienne pour les "boat people" vietnamiens fuyant le régime communiste de leur pays. L’image de ces philosophes à l’Elysée fait l’événement. Ses positions ne varient pas sur ce sujet. En 2013, André Glucksman avait signé une tribune rappelant que le traitement des Roms en France n’était pas "républicain". La France, selon lui, devait être une terre d’accueil.
La passion, attirances et répulsions
Indigné, emporté, passionné, enflammé même, André Glucksmann n’hésite jamais à intervenir lors des conflits, toujours au nom des droits de l’homme, soutenant l’intervention contre la Serbie en 1999 ou plus récemment l’intervention en Libye ou le combat des indépendantistes tchétchènes. Critiqué, contesté, parfois au cœur des controverses, il était devenu plus atlantiste avec les années, au nom de l’anti-totalitarisme, et avait même soutenu Nicolas Sarkozy dans sa campagne de 2007. Mais le philosophe a rompu avec lui, une fois élu, quand celui-ci s’était rapproché de Vladimir Poutine.
Le Président russe a été constamment l’objet de sa colère. La Russie était d’ailleurs un sujet récurrent de son œuvre, analysant dès 1986 la stratégie subversive de la puissance russe dans Silence, on tue, co-écrit avec Thierry Wolton, paru chez Grasset.
La colère et la misère
La colère et la misère du monde ont été le moteur de son action, expliquait-il dans Une rage d’enfant (Plon, 2006). Son œuvre était aussi composite et variée que ses centres d’intérêt, revisitant Candide dans Voltaire contre-attaque (Robert Laffont, 2014), critiquant la dérive sécuritaire de la présidence Sarkozy (La République, la pantoufle et les petits lapins, Desclée De Brouwer, 2011), comparant Socrate et Heidegger dans Les deux chemins de la philosophie (Plon, 2009), analysant les ressorts de l’exclusion dans Le discours de la haine (Plon, 2004) ou encore le lien entre la France et l’Allemagne (Le bien et le mal, Robert Laffont, 1997).
En lutte permanente contre les totalitarismes, regrettant l’absence de grands hommes, et en prise directe avec les grands événements de son époque, l’internationaliste André Glucksmann expliquait dans Cynisme et passion (Grasset, 1981), qu’il "revient souvent au même de se penser occidental et de s’admettre cynique." Rappelant ainsi que "c’est l’idée du despotisme qui nous donne l’idée de la démocratie".