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Dossier : les 100 qui font bouger le livre

Dossier : les 100 qui font bouger le livre

Chaque jour, le livre démontre sa formidable capacité d'adaptation. De nouveaux intervenants apparaissent, les acteurs traditionnels changent de visage. Tout bouge. Et c'est une chance. Nous avons choisi de mettre en lumière ceux qui, d'une façon ou d'une autre, contribuent à la mutation du monde du livre.Nous en avons retenu cent. C'est forcément injuste, mais c'est la règle du jeu.

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Par Daniel Garcia
Créé le 04.02.2015 à 16h04 ,
Mis à jour le 20.02.2015 à 16h40

Voici tout juste dix ans, pour le Salon du livre 2002, Livres Hebdo publiait "Le club des Cent", un dossier répertoriant "les gens qui comptent" dans la galaxie Gutenberg hexagonale : éditeurs, distributeurs, journalistes, auteurs en vue... C'était la première fois que nous procédions à ce genre d'enquête "people" dont la presse magazine est d'ordinaire si friande. Qu'on nous accorde de ne pas avoir abusé du procédé, puisque nous n'avions pas réitéré l'opération. Mais, dix ans plus tard, il nous a semblé intéressant de rouvrir le dossier.

Première constatation : l'instantané de 2002 apparaît fortement daté, et la "photo de famille" a bien vieilli. Il y a ceux qui ont disparu (Pierre Marchand, Christian Bourgois, Jérôme Lindon...) ; ceux qui sont partis voir ailleurs (Agnès Touraine) ; ceux qui ont été balayés par l'Histoire (Jean-Marie Messier) ; ceux qui ont pris leur retraite (Jean-Etienne Cohen-Séat, Claude Durand...) ; ceux dont l'étoile a beaucoup pâli (Philippe Sollers, BHL, PPDA) ; ceux qui ont dû abandonner précipitamment leur poste (Claude Cherki, Jean-Louis Lisimachio), etc.

Deuxième constatation : le contexte n'est plus comparable. La crise, cette crise dont le secteur parlait depuis si longtemps qu'elle avait fini par ressembler à l'Arlésienne, est pour le coup vraiment là. Depuis deux ans, les chiffres du secteur ne manquent pas d'être inquiétants : explosion des retours, baisse de la fréquentation des librairies et du panier moyen... Le livre, qui jusqu'ici avait plutôt bien traversé les soubresauts de l'économie, est cette fois directement touché. Quant à la vente en ligne, il y a dix ans, elle n'effrayait personne. La bulle Internet venait d'éclater, et il se trouvait une majorité d'éditeurs pour s'accrocher au schéma traditionnel de commercialisation du livre. "La vente en ligne ? Combien de divisions ?", ironisaient-ils. Ils ont appris à réviser leur discours. Enfin, le numérique, déjà très présent dans un secteur comme la musique, était encore balbutiant dans le livre, et là encore, les sceptiques étaient autrement plus nombreux que les nouveaux convertis. C'est peu de dire que la donne a été bouleversée.

UNE LISTE VOLONTAIREMENT ÉCLECTIQUE

Voilà pourquoi il nous a paru davantage pertinent, plutôt que de livrer une version "updatée" du "Club des Cent", de recenser aujourd'hui ceux qui "font bouger le livre". Entendez par là les hommes et les femmes qui, chez les éditeurs, dans les librairies, les bibliothèques ou les médias, avancent des idées nouvelles et refusent de baisser les bras, avec pour seul objectif de faire progresser le livre (y compris dématérialisé) et la lecture. "Mais c'est moi !", diront sans doute beaucoup qui, se reconnaissant dans ce portrait, s'étonneront de ne pas figurer dans les pages qui suivent. C'est la règle et la limite d'un tel exercice : il faut faire des choix, avec ce que cela suppose d'oublis ou d'injustices. Il va sans dire que le contenu de la liste fut longuement débattu entre nous. Certains noms qui y figuraient d'emblée ont disparu à la dernière sélection, d'autres se sont imposés au finish. La version finale rassemble aussi bien des "vieux de la vieille" qui fréquentent la profession depuis trente ans, mais qui continuent de la bousculer, que des personnalités émergentes, qu'il nous a paru judicieux de mettre en valeur, quitte à nous tromper sur leur parcours futur. Les acteurs du numérique - pas forcément issus du monde du livre - occupent, c'était inévitable, une place importante. Nous avons également glissé quelques "étrangers", à raison de l'influence qu'ils exercent chez les professionnels français. Cette liste ne prétend pas être parfaite, mais justement : espérons qu'elle suscitera un débat. Ce sera notre façon de "faire bouger" le livre...

Emmanuel Carrère : entre la vie et la mort

Photo OLIVIER DION

Fidèle au même éditeur (P.O.L) depuis pratiquement ses débuts, Emmanuel Carrère a ouvert la voie à une nouvelle approche romanesque, qui s'empare de l'histoire vraie, sinon du fait divers, pour mêler fiction, non-fiction, voire autofiction. Ainsi de son Limonov, qui lui a valu le Renaudot 2011. Emmanuel Carrère avait donné une première "mouture" de son texte en janvier 2008, dans la revue XXI. Ce qui n'était alors qu'un reportage est devenu un récit plus ambitieux, où la biographie d'un ex-dandy underground devenu ultranationaliste croise l'histoire de la Russie contemporaine tout autant que le parcours personnel de l'auteur lui-même. Carrère a un talent particulier pour s'emparer de la vie des autres et la sublimer par sa fascination pour le meurtre, la folie, la mort et un certain goût de la noirceur. Chaque fois, le public lui fait fête. Et surtout, même s'il n'y a pas d'"école Carrère", d'autres auteurs, comme Régis Jauffret ou Morgan Sportès, se sont engouffrés avec un égal succès dans son sillage.

Olivier Chaudenson : la marquise lui dit merci

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"Vous me demandez, ma chère enfant, ce que je pense d'Olivier Chaudenson ? Serait-il possible que vous ne l'eussiez point deviné ? Je le goûte fort. Figurez-vous qu'il a lancé, voici quatorze ans, les admirables Correspondances de Manosque, à quelques tours de roue de carrosse de votre - de notre - cher Grignan. A Paris, où il dirigea pendant trois ans le festival Paris en toutes lettres - suspendu cette année -, il réfléchit à un nouveau projet de scène littéraire permanente. Avec cette même inspiration qui est sa griffe : inventer de nouveaux modes de rencontre avec le texte, et des croisements avec les autres arts, pour rendre la littérature toujours plus vivante. Et maintenant, je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus étourdissante, une chose que l'on ne peut croire à Paris : Olivier Chaudenson est aussi conseiller culturel à Marseille, qui sera capitale européenne de la culture en 2013. Adieu, ma très chère bonne. J'attends de vos nouvelles et vous souhaite une santé comme la mienne." Marquise de S.

Françoise Benhamou : l'économiste

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Professeure à Paris-13 (entre autres), blogueuse sur le site de Livres Hebdo (entre autres), agrégée en sciences sociales et agrégée de sciences économiques, Françoise Benhamou s'est spécialisée dans l'économie de la culture et des médias. Curieuse, disponible malgré ses participations multiples à des conseils d'administration, jurys, instances décisionnelles..., toujours souriante, elle se passionne pour l'impact du numérique sur le marché du livre. Ses analyses pertinentes et son indépendance d'esprit l'ont rendue indispensable dans toute réflexion économique sur le sujet. Elle vient d'être nommée membre de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).

Elisabeth Darets : Dame Tartine

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Nutella, c'est elle. Il y a peu, ce n'était qu'une pâte à tartiner saturée d'huile de palme et adorée des enfants, que vantaient des publicités kitschissimes à la télévision. Aujourd'hui, c'est aussi LE succès éditorial du rayon pratique des librairies, numéro un des ventes de la collection des "30 recettes cultes", qui ressuscite à chaque fois un produit de notre enfance : le lait concentré sucré, La Vache qui rit, les oursons en guimauve ou les sardines en boîte. Un petit courant régressif qui a permis de vendre près de deux millions d'exemplaires de livres de recettes (à prix mini...) en dix mois ! Derrière ce succès se trouve - comme en 2004 pour les verrines, ou par la suite les petites cocottes - Elisabeth Darets, la directrice générale de Marabout. Entrée chez Hachette à 21 ans, au contrôle de gestion pendant dix-sept ans, elle est désormais faiseuse de tendances. C'est aussi à elle que l'on doit la collection des "Paresseuses", déclinée en application smartphone téléchargée 170 000 fois en dix-huit mois.

Louis Delas : The Artist

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Certains l'attendent à L'Ecole des loisirs, propriété familiale dont son père (voir p. 117) est codirecteur général. Mais jusqu'à présent, de Glénat à Casterman, puis plus globalement à la tête de l'ensemble du pôle BD-jeunesse du groupe Flammarion, Louis Delas a préféré tracer son propre sillon, avec un certain flair, pour ne pas dire un flair certain. Ce fringant quinqua - il a tout juste 50 ans - a réorganisé et développé Casterman et Fluide glacial, n'hésitant pas à mouiller sa chemise en interprétant un personnage de roman-photo dans le magazine. Il a contribué à créer et développer le label à succès Jungle et ouvert l'activité du pôle qu'il dirige au numérique, notamment en s'associant à Médias Participations au sein de la plateforme Izneo. Une activité multiple qui a fait entrer le président du groupe BD du Syndicat national de l'édition dans le club plutôt restreint des dirigeants de sa génération pouvant revendiquer une double compétence d'éditeur et de manager.

Claude de Saint-Vincent : hors des cases

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En joueur de poker aguerri, Claude de Saint-Vincent sait qu'il faut prendre des risques et réunir à sa table les meilleurs pour réussir une bonne partie. Le directeur général du groupe Média Participations a ainsi associé ses concurrents dans le marché de la bande dessinée pour fonder, il y a un an, une plateforme de diffusion de BD numérique, Izneo. Si certains comme Delcourt, Soleil ou Glénat se sont couchés avant la fin de la partie, d'autres sont arrivés tels Futuropolis et Les Humanoïdes Associés. Et Claude de Saint-Vincent entend bien continuer à garder la main sur la distribution numérique en associant la profession et les libraires, et à ne surtout pas la céder à Google ni Apple. Ce diplômé d'HEC qui a longtemps vécu entre la France et les Etats-Unis a toujours pensé que les héros de BD devaient pouvoir connaître une existence hors du papier. Sur Internet avec, en plus d'Izneo, MyMajor Company ou Bdclic ; dans les salles obscures pour Largo Winch, Ducobu et Le chat du rabbin ou sur le petit écran avec XIII, Yakari, Boule et Bill et Garfield.

L'iPad : à vos tablettes !

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C'est le support qu'on attendait sans oser l'espérer. Celui qui va réussir l'articulation entre révolution numérique et dynamique éditoriale. Si les liseuses, version Kindle d'Amazon, sont parfaites pour la littérature générale, l'iPad et autres tablettes sont insurpassables dans des secteurs comme le livre jeunesse, le livre pratique et les beaux livres. Du reste, la révolution iPad appliquée à l'édition n'en est qu'à ses débuts : les applications les plus bluffantes sont encore dans les cerveaux des designers et autres technophiles emballés par ce nouveau média.

Alban Cerisier : l'éminence grise

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Ancien chartiste, reçu archiviste-paléographe pour sa thèse sur Les clubs de livres dans l'édition française de 1945 à 1960, Alban Cerisier - un nom digne d'un personnage de roman ! - est entré chez Gallimard en 1995 par la petite porte, celle des archives. Aujourd'hui secrétaire général de la maison, responsable du développement numérique, il se murmure qu'il a l'oreille du P-DG. Un signe qui ne trompe pas : c'est lui qui a eu la haute main sur les diverses publications et manifestations liées, en 2011, au centenaire de la maison. Il est lui-même l'auteur d'une Histoire de la NRF, de près de 600 pages, parue en 2009 et chez Gallimard, évidemment. Depuis l'automne dernier, il est par ailleurs président de la commission numérique du Syndicat national de l'édition.

Rémi Pépin : le noir en blanc

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Il fallait y penser : habiller le roman noir de blanc, c’est l’idée insolente et décalée du graphiste le plus en vogue du moment. Rémi Pépin est passé aux actes avec la nouvelle collection de ­polars de son père, Robert Pépin, chez Calmann-Lévy. Mais on lui doit aussi le style graphique des éditions Sonatine. Après avoir travaillé pour des institutions culturelles, Rémi Pépin s’est tourné vers l’édition, où il a notamment créé la charte graphique d’Hachette Littératures. Il fonctionne en trio avec François Verdoux, patron de ­Sonatine, et l’éditeur Arnaud Hofmarcher, dont il partage les goûts littéraires, musicaux et cinématographiques. Il vient de passer deux ans sur les nouvelles couvertures de 10/18, impressionné par certains auteurs du catalogue comme Jim Harrison ou Richard Brautigan. Sa touche : l’humour et le second degré.

Denis Mollat : duc d'Aquitaine (et d'ailleurs)

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Lui qui se destinait à la médecine ne se sera jamais consacré qu'à un seul "patient", et pas du tout malade : la librairie familiale bordelaise, fondée par son aïeul en 1896, et qu'il a su confirmer dans son rang de première librairie indépendante de France. Technophile en diable, Denis Mollat a largement ouvert son magasin, qu'il embellit sans cesse, à la modernité (puces RFID, studio de montage high-tech pour les vidéos d'écrivains qui animent son site...). Accessoirement, il est président du Cercle de la Librairie, auquel appartient Livres Hebdo. Respect !

Frédéric Martin : Huns et deux

Benoît Virot et Frédéric Martin.- Photo OLIVIER DION

Chez Attila, les Huns sont deux. L'éditeur Frédéric Martin, qui a notamment fait ses classes chez Viviane Hamy, travaille en tandem avec le journaliste Benoît Virot. Ensemble, ils ont créé en 2009, en pleine crise, la maison d'édition Attila avec l'ambition de redonner vie à des textes oubliés ou méconnus. La publication de Fuck America, d'Edgar Hilsenrath, mais aussi leurs ouvrages très soignés aux couvertures élégantes et originales les ont d'emblée placés sous les projecteurs. Frédéric Martin est fort d'une conviction : l'édition industrielle est moribonde, et l'avenir du métier passe par un recentrage sur le travail éditorial. On ne peut pas lui donner tort.

Olivier Tacheau : 14 heures par jour

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Le jeune directeur de la bibliothèque universitaire Saint-Serge-d'Angers déploie tant de zèle qu'il agace parfois ses confrères (... mais pas Livres Hebdo, qui lui a décerné le prix 2011 de l'Innovation). Suivi avec ferveur par son équipe, ce blogueur impertinent et animateur de controverses sur les listes dediffusion spécialisées ouvre sa bibliothèque quatorze heures par jour et joue avec brio d'une large gamme d'initiatives : accompagnement des lecteurs, programmation culturelle très active, présence sur le Web, inauguration d'un "bibcamp" annuel à la française... Une belle contribution au développement des BU françaises, qui commencent à se moderniser mais affichent encore un sérieux retard sur leurs consoeurs nordiques et anglo-saxonnes.

Olivier Douzou : dessine-moi une vache

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Effaçant une édition 2010 plutôt calamiteuse, le Salon du livre de jeunesse de Montreuil 2011 s'est révélé un excellent cru. La nouvelle scénographie imaginée par Olivier Douzou, nommé directeur artistique de la manifestation, après une succession de collaborations ponctuelles, n'a pas peu contribué à ce succès. Douzou, c'est un peu l'alchimiste du livre jeunesse. Architecte de formation, il imagine en 1993 un petit récit illustré pour sa fille de 3 ans. L'ouvrage paraît chez un éditeur régionaliste improbable, Le Rouergue. Mais c'est l'emballement - de la critique, des libraires, du public. Jojo la mache n'est pas seulement une belle histoire poétique sur un sujet grave (la mort), c'est aussi un magnifique objet, que les parents n'hésitent pas à chiper à leur progéniture. Dans la foulée, Olivier Douzou crée le département jeunesse du Rouergue, qui va se révéler une pépinière de talents, et va ouvrir le genre à de nouvelles perspectives, comme le dessin assisté par ordinateur. Olivier Douzou continue lui-même de publier (plus d'une quarantaine de titres à son actif). En 2001, par peur de se répéter, il quitte le Rouergue. Il y est revenu en 2011, en même temps qu'il prenait ses nouvelles fonctions à Montreuil.

Les nooks : presse papier

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On glosait sur les difficultés de la presse, et XXI (Les Arènes) est apparu. Avec du reportage, de l'enquête, des photos et beaucoup de dessins. Bref, tout ce qui en presse coûte cher. Pourtant, le succès fut d'emblée au rendez-vous, suscitant de nombreuses vocations. Les "mooks" (une contraction de magazine et book) ou "nooks" (news et book) reposent sur un concept simple : des magazines conçus comme des livres, et vendus comme eux en librairie, avec également un système d'abonnement, gros avantage de la presse pour la trésorerie. Aujourd'hui, à côté de XXI, on trouve Six mois (Les Arènes) ; Muze, le trimestriel culturel féminin (Bayard Presse) ; Usbek et Rica, consacré à la prospective ; Alibi, spécialisé dans le polar ; Schnock (éditions La Tengo), qui s'intéresse aux cultures populaires du passé, avec un ton humoristique et décalé ; Feuilleton et ses traductions de reportages étrangers (éditions du Sous-Sol). Les derniers en date : Crimes & châtiments, sur les faits divers et France Culture Papiers, lancé le 23 février... en attendant, le 5 avril, We demain, une réflexion plutôt écolo sur la société contemporaine, lancée par les frères Siegel.

Teresa Cremisi : la Mazarine

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Après avoir été longtemps la numéro deux de Gallimard - où Philippe Sollers l'appelait "le Premier ministre" -, Teresa Cremisi a fait de Flammarion, qu'elle dirige depuis 2005, un groupe dynamique, avec des résultats en croissance régulière. Au sein du Syndicat national de l'édition ou de la récente mission pour la librairie, elle milite pour que le développement numérique ne fragilise pas le réseau de libraires. Réputée pour son entregent mondain, son carnet d'adresses et ses talents diplomatiques, autant de vertus cardinales qui lui ont valu d'être surnommée "la Mazarine", Teresa Cremisi déploie aujourd'hui toute sa force de persuasion pour faciliter le rachat de Flammarion par Gallimard. Cette native d'Alexandrie a trouvé son Antoine.

Térence Mosca : le nerd de la guerre

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C'est son expérience dans le jeu vidéo pour Disney, puis pour Ubisoft, qui permet à Térence Mosca de développer le numérique de Gallimard Jeunesse aux côtés de la P-DG, Hedwige Pasquet. Un défi capital pour la maison, qui ne peut pas se permettre de rater ce rendez-vous avec la modernité. De la réflexion stratégique - quels titres ? quels supports ? quelle plateforme ? - à la gestion de la production et des relations avec Apple, il accompagne d'autant mieux l'éditeur que ses connaissances techniques l'aident à discuter avec les développeurs. Il est aussi chargé des ventes à l'international, et il a déjà signé pour la langue anglaise et la Chine pour "Mes premières découvertes".

Melani Le Bris : la fille du large

Photo GAEL LE NY

Dans la famille Le Bris, demandez désormais la fille. Si Michel Le Bris, insubmersible fondateur du festival Etonnants voyageurs, est toujours capitaine du vaisseau, sa fille Mélani est aujourd'hui directrice adjointe de la manifestation, en charge de la programmation. Créé en 1990, le festival malouin a le vent en poupe : une édition en Haïti couronnée de succès, un manifeste "Pour une littérature-monde" qui continue de susciter des conférences dans les grandes universités de la planète, une entrée dans la Word Alliance, club international et select des salons littéraires, un projet de revue... Dauphine désignée, Mélani Le Bris a reçu le goût du large en héritage. Après des études de sciences politiques, elle a travaillé comme éditrice et auteure de guides de voyages chez Gallimard, où elle a notamment dirigé la collection "Cartoville". Amatrice de bonne chère, elle a combiné ses deux passions dans La cuisine des flibustiers, publié chez Phébus en 2002.

Blandine Aurenche : la Lauréate

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Elle se voue corps et âme à la lecture publique, en particulier auprès des jeunes des quartiers populaires parisiens. A la bibliothèque Crimée (19e), cernée par les squats et les petits trafiquants, où elle a passé dix ans, Blandine Aurenche est parvenue à pacifier les choses et attirer les lecteurs grâce à un jeune médiateur qui savait à peine lire. Aujourd'hui, elle dirige la petite bibliothèque Louise-Michel (20e) qu'elle a tendrement préfigurée avec son équipe, et qui lui a valu le grand prix Livres Hebdo des Bibliothèques 2011. Plus jeune, elle travaillait dans le 6e arrondissement, où elle avait Roland Barthes pour lecteur : "Avec un tel public, je n'avais aucun mal à défendre le livre ! C'est une tout autre chose pour des gens peu habitués, voire réticents à la culture. Il faut d'abord établir une relation, créer un climat favorable à partir duquel on peut faire un travail littéraire de qualité."

Marie-Rose Guarnieri : la rose au poing

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Sa librairie des Abbesses (Paris 18e) doit son nom à la rue qui l'héberge. Car, pour le reste, Marie-Rose Guarnieri n'a rien d'une abbesse - ou alors, ce serait dans un couvent fondé par Whoopi Goldberg. Pétulante en diable, du dynamisme et de la joie de vivre à revendre, Marie-Rose Guarnieri manque de temps pour réaliser toutes ses idées en faveur du livre et de la lecture. Créatrice du prix Wepler - qui récompense des écrivains que les "grands prix" traditionnels ont dédaigné -, elle a aussi instauré avec succès la Journée du livre et de la rose, inspirée d'une tradition catalane, qui fédère aujourd'hui, chaque 23 avril, près de 600 libraires de France et de Belgique. Vous aimez lire ? Dites-le avec des fleurs.

Alain Névant : imagine

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Avec son acolyte, Stéphane Marsan, il a fait sortir la fantasy du cercle des aficionados. Fondateur de Science-Fiction Magazine dans les années 1990, Alain Névant baigne dans les littératures de l'imaginaire depuis toujours. Spécialiste de Terry Pratchett, il a enseigné un temps la littérature anglophone. De cette époque, il garde le goût de transmettre et de vulgariser. Il y a dix ans, lorsqu'il a créé les éditions Bragelonne, il ne se doutait pas que sa maison serait un jour leader sur le marché de la fantasy. Ses limites ? "Le ciel !", en toute simplicité. Poche, romance, bit-lit française, rien ne l'arrête. Sa force ? L'indépendance, une équipe "familiale et passionnée" et un credo : toujours plus loin, dans la bonne humeur.

Stéphane Michalon : sus aux géants !

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Ancien libraire à L'Arbre à lettres, Stéphane Michalon, directeur d'ePagine, s'est lancé dans une tâche qui mériterait d'être reconnue d'utilité publique, au nom de la préservation de l'équilibre délicat de l'écosystème du livre : apporter aux librairies indépendantes l'espoir et les moyens d'exister dans le futur marché du livre numérique, afin de les sauver de la dévoration par Amazon, Apple, Google et autres géants des nouvelles technologies. A ce jour, une quarantaine de librairies ont retenu la solution technique que propose cette filiale de la société Tite-Live pour leur permettre d'implémenter facilement sur leur site une collection d'ouvrages numériques.

Michel Houellebecq : profession Grantécrivain

Photo OLIVIER DION

Il faudrait lui décerner d'urgence la Légion d'honneur. Grâce à Michel Houellebecq, prix Goncourt 2010 à l'usure (et à la quasi-unanimité), la littérature hexagonale n'est plus totalement moribonde aux yeux des universitaires étrangers, qui s'étaient arrêtés à Nathalie Sarraute et Michel Butor. Dans notre monde de la pipolisation, Houellebecq est l'unique "star" francophone des lettres. Comme Brigitte Bardot ou feue Elizabeth Taylor, qui n'avaient même plus besoin de jouer à l'écran pour déchaîner les passions, comme Michael Jackson qui n'avait plus besoin de monter sur scène pour déclencher l'hystérie, "Michael" Houellebecq pourrait désormais se passer d'écrire pour le restant de ses jours. Sa seule apparition (ou non-apparition...) quelque part suffit à créer l'événement.

François Bon : pour qui sonne le tweet

Photo MARC MELKI

" Le plus e-lecteur et le plus e-crivain d'entre nous", écrivait en novembre 2011, à son propos, Pierre Assouline dans son blog, ajoutant : "François Bon ? Un geek lettré et superlatif." Bien vu. Inséparable d'un vieux cartable de cuir fatigué, toujours bourré à craquer... de livres papier, François Bon est - depuis quinze ans déjà ! - le missi dominici urbi et orbi de la révolution numérique appliquée au livre. Pas un colloque, pas une table ronde qui ne lui ait échappé. Ancien soudeur, ce bon vivant un rien pantagruélique anime un site au titre gargantuesque : Le Tiers Livre. Il y blogue, il y rend compte de ses lectures, il y publie des livres numériques. Avec parfois un rien d'avance sur son temps, comme cette fameuse nouvelle traduction du Vieil homme et la mer, d'Hemingway, qui lui a valu une confrontation brutale avec Gallimard. L'éditeur était dans son bon droit. Bon était dans sa bonne foi. Mais, le temps d'un week-end, le réseau Twitter s'est enflammé pour Bon aux dépens de Gallimard, qui en a pris pour son grade.

Maya Flandin : indignée

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Elle ne fait pas dans la dentelle. Son cri d'alarme, "Nous sommes en train de crever !", en mai dernier aux Rencontres nationales de la librairie, à Lyon, l'a rendue célèbre. Il résumait le sentiment de la majorité des libraires présents. La fondatrice de la librairie lyonnaise Vivement dimanche incarne désormais une nouvelle génération de libraires, décomplexée, les pieds sur terre, et désireuse de se faire entendre et respecter par ses fournisseurs. Une chose est sûre : elle ne crèvera pas en silence.

David Lacombled : dans le nuage

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C'est le monsieur Orange du livre. Directeur délégué à la stratégie des contenus du groupe de télécommunication depuis la fin de l'année 2010, il est chargé de développer un modèle ouvert et fédérateur de commercialisation d'écrits numériques. Cet ancien journaliste radio passé par la politique, en tant que chargé de communication auprès du député-maire d'Amiens Gilles de Robien, puis du ministre de la Défense François Léotard, a développé un sens du dialogue utile aujourd'hui pour rallier éditeurs et libraires autour du "nuage" d'Orange. Entré en 2000 chez Wanadoo pour créer une chaîne d'actualité et devenu en 2007 directeur de l'antenne et des programmes des portails Web et mobiles d'Orange, il connaît bien la problématique de la diffusion des contenus. Reste à les trouver. On doute que son Guide des candidats : municipales 2001, commis chez Flammarion en 2000 sous une forme imprimée bien concrète, en fournisse les prémices.

Jean-François Colosimo : il y croit

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Nommé en mai 2010, pour cinq ans, président du Centre national du livre (CNL), Jean-François Colosimo peut se targuer d'un parcours atypique - mais qui n'a rien du chemin de croix. Après des études de philosophie, de théologie et d'histoire des religions, il mène de front trois carrières : journaliste (notamment chroniqueur au Monde des religions et à "Jeux d'épreuves", sur France Culture), éditeur (conseiller littéraire chez Stock, Odile Jacob ou Jean-Claude Lattès, il a été directeur général de CNRS éditions de 2006 à 2010) et enfin enseignant en tant que professeur d'histoire de la théologie byzantine et maître de conférence en patrologie (ce n'est pas médical et ça ne se soigne pas : c'est la connaissance des écrits des Pères de l'Eglise). Depuis son arrivée au CNL, il déploie une énergie et surtout une inventivité que n'avaient pas forcément ses prédécesseurs. Soutien aux libraires tunisiens et au monde grec du livre pour l'extérieur ; convention expérimentale de partenariat avec une communauté de communes (dans l'Hérault) pour l'intérieur ; subventions à des projets de livres numériques enrichis pour les nouvelles technologies ; remplacement des Belles Etrangères, qui ont fait leur temps, par des manifestations plus ciblées pour le rayonnement des littératures... le CNL, version Colosimo, ne souhaite pas seulement "défendre le modèle français du livre", mais aussi « se préoccuper de manière prospective des tendances à venir". Beau défi.

Jérôme Garcin : monsieur Bonnes Feuilles

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Semaine après semaine, il fait des pages "Livres" du Nouvel Observateur l'un des rares espaces encore fréquentables pour ceux qui s'intéressent à l'actualité éditoriale. Et il sait, comme personne, négocier les exclusivités ou les bonnes feuilles, quitte à menacer de représailles les éditeurs récalcitrants. D'autant que son pouvoir s'étend jusqu'à la radio : il a rendu au "Masque et la plume" (le dimanche soir sur France Inter) tout son éclat et sa puissance prescriptrice. Dandy un rien gourmé, Jérôme Garcin n'est pas réputé pour rouler sous la table après un déjeuner bien arrosé avec des attachées de presse (les traditions du métier se perdent, hélas !), mais son dernier livre, Olivier, chez Gallimard, a levé un coin du voile. On sait, désormais, pourquoi Jérôme Garcin a toujours été aussi pressé de réussir.

Café Laurent : le nouveau Lutetia

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L'hiver près de la cheminée, et dès le printemps dans le patio pavé, le bar de l'hôtel d'Aubusson, aujourd'hui Café Laurent, dans le 6e arrondissement parisien, est le rendez-vous des after-works germanopratins, moins bling-bling que le Flore et plus cosy que le Lutetia. Attachées de presse, directeurs de collections, éditeurs... les habitués ont même leur table attitrée, que Flavien, le barman le mieux informé des ragots de la profession, se charge de garder. Depuis le XVIIIe siècle, ce café est un haut lieu de la vie littéraire et artistique. Baptisé "Café Tabou" après la guerre, il accueillit Queneau, Mauriac, Camus et Sartre, pendant que sa cave devenait l'un des QG de la vie nocturne parisienne. En 1949, une soirée mythique y fêtait l'élection de "Miss Vice". Dernièrement, le Seuil y a plutôt célébré un prix Médicis. Le vice se perd, hélas.

Matthieu de Montchalin : au travail !

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Depuis quinze ans à la tête de L'Armitière, l'une des plus grandes librairies de France et véritable institution rouennaise, qui fêtera cette année ses 50 ans (elle doit son nom original à la conjonction d'art et d'amitié), Matthieu de Montchalin a été élu, à l'automne dernier, nouveau président du Syndicat de la librairie française. A ce titre, il a été nommé membre de la commission désignée par le ministre de la Culture pour réfléchir à l'avenir de la librairie après l'impact de la hausse de la TVA. En outre, il est depuis janvier président du site 1001libraires.com, portail de vente en ligne des librairies indépendantes, qu'il s'est juré de redresser en six mois.

Alain Kouck : le challenger

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Comme les chats, le P-DG du deuxième groupe d'édition français a plusieurs vies. Sept ou neuf, l'avenir le dira. A ce jour, nous lui en connaissons au moins six. Diplômé d'une école de commerce, il a commencé sa carrière dans l'industrie lourde, chez Poclain et Trailor. C'est en spécialiste de la logistique qu'il arrive chez Hachette en 1980. En 1996, il est embauché par Christian Brégou chez CEP Communication, puis en 2001 Jean-Marie Messier, qui vient de s'emparer du groupe, le nomme président de Vivendi Universal Publishing Services. En 2004, après le rachat des dépouilles de Vup par Wendel, Alain Kouck est nommé président d'Editis, poste dans lequel le nouveau propriétaire espagnol, Planeta, le confirmera en 2008. Dopé au changement, Alain Kouck est toujours retombé sur ses pattes - comme les chats. Et il a donné forme, en seize ans, à un groupe qui joue désormais au coude-à-coude sur le marché français avec le leader, Hachette Livre. Un acteur de poids, dans une période où se joue l'avenir du livre.

Bruno Caillet : fidèle

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Arriver à la direction commerciale de Gallimard, c'est entrer dans les ordres. On lui consacre sa vie. A preuve, en cent ans, ils ont été peu nombreux à remplir ce sacerdoce. Après Louis-Daniel Hirsch, qui y a travaillé de 1922 à 1974, Ambroise Pujebet a pris la relève jusqu'à sa retraite. En 1999, l'arrivée de Bruno Caillet, recruté par un chasseur de têtes, fut décoiffante : pensez, il venait du « food » ! Treize ans plus tard, il suit le chemin de ses aînés, dans une fidélité à toute épreuve au catalogue de la maison. Surtout, il est devenu, dans le monde du livre, la référence en matière de politique commerciale. Aussi à l'aise pour revoir à la hausse les remises des petits libraires que pour répercuter sur le prix des ebooks la baisse de la TVA. Un fin diplomate.

Patrick Bazin : du côté de chez Bob

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S'il n'avait pas défrayé la chronique en signant avec Google pour numériser 500 000 ouvrages de la bibliothèque de Lyon, qu'il pilotait alors, sans doute Patrick Bazin ne serait-il pas aujourd'hui à la tête de celle de Beaubourg. Car c'est un bibliothécaire médiatique que cherchait en 2009 Frédéric Mitterrand pour diriger la BPI. Le pacte avec Google n'est d'ailleurs qu'un épisode de la longue et audacieuse carrière de Patrick Bazin : il a eu l'occasion de faire ses preuves en maintes occasions à Lyon, se plaisant à concurrencer, voire à devancer la BPI, lorsqu'il s'est agi par exemple d'installer l'accès à Internet dès 1995, ou encore de créer l'ingénieux "guichet du savoir" en 2004. A son tour, maintenant qu'il est dans les mains de l'Etat, de faire évoluer "Bob" - comme le groupe de ses usagers a surnommé la BPI sur Facebook.

Susanna Lea : l'agente tous risques

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Longtemps surnommée "Bébé Fixot" pour avoir fait ses classes auprès de Bernard Fixot, Susanna Lea est l'une des rares femmes dans un métier dominé, du moins de ce côté-ci de l'Atlantique, par les hommes : celui d'agent littéraire, qu'elle exerce à son compte depuis 2000. Mais elle n'est pas la moins pugnace. Cette "chasseuse de coups à visage de porcelaine", pour rependre une formule du magazine L'Expansion, est une redoutable négociatrice, qui défend bec et ongles les intérêts de son écurie (dont Marc Levy reste l'une des têtes d'affiche). Depuis 2010, elle a du reste créé une maison d'édition, Versilio, pour exploiter les droits numériques de ses auteurs. Avec une politique commerciale très agressive.

Marion Jablonski : bonne fée

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Après avoir fait ses armes dans le secteur des beaux livres, Marion Jablonski a réussi à bâtir en quelques années l'un des plus beaux catalogues d'albums du secteur jeunesse. Cécile Boyer, Marion Bataille, Blexbolex, Benjamin Chaud, François Roca, ou le petit dernier, Gwendal Le Bec, "Pépite" de Montreuil : chaque automne apporte son lot d'artistes dont les innovations graphiques font la joie des libraires et de leurs clients. Historienne de formation, c'est son premier beau livre chez Albin Michel avec Jacques Marseille, 1789 au jour le jour, qui lui a donné le plaisir des images et le goût du travail sur la maquette. Sous sa houlette, Albin Michel Jeunesse est devenue une maison à part entière, enregistrant autant de succès en fiction avec Geronimo Stilton et Rick Riordan, auteur des Percy Jackson (dans la collection pour ados "Wiz"), que dans les nouvelles technologies, puisqu'elle a accueilli à l'automne dernier le premier livre numérique enrichi, L'herbier des fées, imaginé par Benjamin Lacombe.

Geoffroy Pelletier : abonné aux Bons enfants

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Passé de la résille métallique de l'immeuble des Bons enfants, occupé par le ministère de la Culture, au très classique hôtel de Massa, habité par la Société des gens de lettres dont il dirige les services, Geoffroy Pelletier veille depuis mai 2010 aux intérêts de sociétaires-écrivains que d'autres rassemblements d'auteurs souhaiteraient un peu plus mauvais garçons dans la défense de leurs droits face aux bouleversements numériques. Mais les relations avec les diverses institutions du livre et les parlementaires, qu'il faut nourrir d'amendements aux multiples lois et traités numériques (le prix du livre, l'exploitation des indisponibles, ou l'évolution du contrat d'édition), supposent une ténacité et une égalité d'humeur qui n'en font pas pour autant un enfant de choeur.

Philippe Gadesaude : du doigté

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C'est l'un des diffuseurs les plus fins et les plus expérimentés du secteur. Longtemps directeur commercial de Robert Laffont, bien avant son intégration au groupe Editis, puis d'Hachette, avant d'assurer la direction générale de Diff-Edit, Philippe Gadesaude a rénové en profondeur et développé la société de diffusion et de distribution Dilisco (groupe Albin Michel), dont il est aujourd'hui directeur général. Aussi efficace que modeste et affable, Philippe Gadesaude, par ailleurs président de la commission Circuit du livre du Syndicat national de l'édition, a été choisi en décembre 2010 pour présider Dilicom à un moment particulièrement délicat. Avec Vincent Marty, directeur général, il travaille à moderniser la plateforme collective de transmission des commandes pour l'adapter au développement des ventes de livres numériques.

Laure Leroy : disponible en librairie

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Laure Leroy aime les libraires, qui le lui rendent bien. Pourtant, cette quadra timide, qui a cofondé en 1991 les éditions Zulma, a dû se faire violence pour sortir le nez de ses manuscrits et partir à la rencontre de ses passeurs de livres. Mais elle a bien fait. Le succès de sa maison, elle le doit, outre à ses choix éditoriaux et à la ligne graphique pensée par David Pearson, au soutien des librairies bien avant celui de la presse. Sur le site des éditions, elle leur a d'ailleurs dédié un espace "1 000 librairies", où 179 indépendantes sont présentées, avec leurs coups de coeur, piochés dans le catalogue Zulma.

Francis Geffard: l'Apache de Vincennes

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Est-il libraire ou plutôt éditeur ? Les deux et, en prime, organisateur de salon. Mais avec un seul fil rouge : satisfaire ses envies de lecture. A 21 ans, Francis Geffard devait être un drôle de pistolet. Cette année-là - 1980 -, il crée une librairie, Millepages, à Vincennes, puis s'en va visiter les Etats-Unis sur la piste des Indiens. Coup de foudre pour la culture amérindienne : afin de faire traduire les ouvrages qu'il a découverts outre-Atlantique, il crée la collection "Terre indienne" chez Albin Michel, puis à la même adresse "Terres d'Amérique". Dans la foulée, il offre un somptueux festival bisannuel, America, à ses auteurs fétiches. Il ne quitte pourtant pas des yeux Millepages, qu'il a confiée au très efficace Pascal Thuot. En l'agrandissant en 2009, ils en ont fait l'une des plus belles librairies de la région parisienne. Rusé comme un Sioux, Geffard reste un maverick.

Antoine Gallimard : le Tycoon

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Tout lui sourit. Antoine Gallimard, c'est notre émir du Qatar. Le fonds de la maison, désormais centenaire, est d'une richesse inégalée dans le monde. Il s'est d'abord discrètement coulé dans son rôle de P-DG héritier, avant de faire preuve de plus en plus d'audace. Sur le front de la littérature, Gallimard dame le pion à ses confrères. Dans le numérique, la maison joue les locomotives. S'il réussit à racheter Flammarion, le sacre sera complet. Déjà, la profession l'a porté à sa tête en l'élisant président du Syndicat national de l'édition, et pour la première fois depuis longtemps un président du SNE fait l'unanimité dans le métier. Il a beau jurer qu'il ne fera qu'un seul mandat, le plébiscite en sa faveur pourrait bien l'obliger à réviser sa décision.

Emmanuel Pierrat : la robe lui va si bien

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Y a-t-il encore un éditeur à qui Emmanuel Pierrat n'ait pas déjà remis sa carte de visite ? C'est peu de dire que tous le connaissent : quand il n'est pas leur avocat, c'est qu'il les assigne en justice ! Prêt à défendre des causes en tous genres, sinon transgenres, Me Pierrat ne fréquente pas que les prétoires. Au prétexte que les avocats ne peuvent pas faire de publicité, il organise la sienne en se démultipliant. Chroniqueur juridique multicarte et pédago capable de rendre séduisant le droit d'auteur, blogueur sur le site de Livres Hebdo, auteur prolifique (à côté de lui, Simenon a l'air poussif de la plume), éditeur même et de plus en plus assidu sous la marque Cartouche, il saute sur tous les micros et toutes les caméras à sa portée. C'est bien simple (la formule est de lui) : il tuerait sa mère pour le seul profit d'être filmé par une caméra de surveillance.

Franz-Olivier Giesbert : homme de prix

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S'il figure dans ce palmarès, ce n'est pas pour ses multiples tentatives d'animer un magazine culturel télévisé, dans lesquelles il n'a jamais convaincu, ni pour ses fonctions à la tête du Point, dont les pages "Livres" sont, comment dire... Non, si "FOG" a finalement été retenu, c'est pour son fauteuil au jury du prix Renaudot, qu'il a sorti... du brouillard. Depuis qu'il est entré dans la vénérable institution, hier soeur cadette et parente pauvre du Goncourt, il a dynamité la maison. Le couronnement posthume et mérité d'Irène Nemirovsky fut en grande partie son oeuvre. Plus réactif, plus intrépide, le Renaudot, grâce à FOG et désormais aussi grâce à deux autres nouveaux venus, Jérôme Garcin et Frédéric Beigbeder, oblige le Goncourt, maintenant épaulé par Bernard Pivot et Pierre Assouline, à l'imiter s'il veut garder sa position dominante. Une saine émulation, qui profite à toute la rentrée littéraire.

Thomas Sirdey : manga man

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Si l'on croise désormais, dans la plupart des grands salons du livre, des adolescents déguisés en ninjas, samouraïs ou soubrettes japonaises qui se jettent sur vous en proposant un free hug, c'est en partie le fait de Thomas Sirdey et de ses deux amis, Jean-François et Sandrine Dufour. Ensemble, ils ont créé en 2000 Japan expo, un festival qui a favorisé le développement de la culture manga en France. La première édition s'est tenue dans le sous-sol du parking de l'école de commerce où étudiait Thomas Sirdey. 3 000 visiteurs s'étaient déplacés. Aujourd'hui, 190 000 fans, bien souvent déguisés pour les concours de cosplay, se pressent à Villepinte le premier week-end de juillet, pour la grande rencontre des cultures du Japon. Japan expo se délocalise avec une édition à Marseille et, depuis 2011, à Orléans et en Belgique.

Stéphane Hessel : jackpot

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S'il avait eu 22 ans, ou même 32 ans, Stéphane Hessel aurait créé un blog, ou publié une lettre ouverte sur Internet. Mais voilà : né en octobre 1917 - pendant qu'explosait la Révolution en Russie... -, il appartient à ces générations biberonnées au papier. Alors, il a écrit un livre. Un tout petit livre, certes. Vendu modestement 3 euros. Mais qui est devenu un phénomène d'édition. Plus de 2,5 millions d'exemplaires vendus en France à ce jour - un record absolu et probablement inégalable -, des traductions à foison, et partout un même succès qui a valu au titre de l'ouvrage de devenir un slogan planétaire : Indignez-vous ! La preuve qu'il y a une vie après 90 ans. Et que ce bon vieil objet livre peut encore faire bouger les consciences.

Frédéric Beigbeder : où est le bar ?

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Ancien pubard reconverti à Saint-Germain-des-Prés, Beigbeder applique aux mondes des lettres les recettes qui lui avaient réussi pour Danone ou Pampers. Et ça marche. Auteur à gros tirages, chroniqueur littéraire multicarte et enthousiaste, animateur télévisuel, Beigbeder tisse sa toile et a su conquérir un public "djeune" qui, grâce à lui, découvre qu'aimer lire n'est pas forcément ringard. Quand il ne reçoit pas de prix littéraires, il en crée (le Flore) ou il les décerne (le Renaudot). Certains crient à l'esbroufe et à la... poudre aux yeux. Les autres le voient déjà quai Conti, en habit vert à 99 francs - pardon, 14,99 euros. S'ils disent vrai, gageons que Frédéric Beigbeder commencera par réclamer l'installation d'une boule à facettes sous la Coupole.

Patrick Volpilhac : politique des régions

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Les collectivités territoriales sont des acteurs essentiels des politiques du livre et de la lecture, Patrick Volpilhac en est convaincu. A la tête d'Ecla Aquitaine (Ecrit, cinéma, livre, audiovisuel), la plus importante structure régionale pour le livre, il préside aussi depuis 2008 la Fédération interrégionale pour le livre et la lecture (Fill). Fin connaisseur de la politique régionale, il incite les Régions à s'emparer du livre et les structures régionales à s'affirmer comme outils indispensables. Déjà, cinq conseils régionaux sont membres de la Fill, qui apporte son expertise au sein de l'Association des régions de France, avec laquelle un partenariat a été noué. L'Aquitaine fait par ailleurs figure d'exemple avec son protocole Etat-Région pour l'édition et la librairie : régulièrement évalué et adapté depuis 2003, il permet à l'Etat et à la Région de s'accorder sur un budget, des critères et des modes d'interventions communs

Sabine Wespieser : cousu main

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C'est un peu la petite-fille d'Hubert Nyssen (chez qui elle a appris le métier, pendant près de quatorze ans) en plus intraitable. En plus carrée, aussi - comme le format de ses livres. Depuis 2001, et la création de la maison à son nom, Sabine Wespieser n'en fait qu'à sa tête, c'est-à-dire selon son coeur. Elle ne publie que les auteurs qu'elle aime, à petite dose (10 à 12 titres par an). Surtout, elle a d'emblée misé sur la qualité de la fabrication (son papier est le plus cher de toute la profession), comme si elle avait prévu que l'ebook allait rendre le livre papier plus précieux. Ce qui ne l'a pas empêchée de se mettre à son tour à conjuguer ses livres en numérique au commencement de cette année 2012.

Sergio Dogliani : plein d'idées en magasin

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Ce Britannique d'adoption (il est né à Turin) fait partie, depuis l'origine, de l'équipe qui a élaboré au début des années 2000 un concept de bibliothèque novateur, devenu source de réflexion pour toute la communauté professionnelle internationale : les Idea Stores. Situés à Tower Hamlets, un district populaire du Grand Londres, ces "magasins à idées" proposent des collections documentaires, mais également des cours, des services d'information, des cafés, des galeries d'art. Toute création de bibliothèque, aujourd'hui en France, se positionne par rapport à ce modèle.

Catherine Lucet : grosse tête

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C'est la bonne élève de l'édition. Bardée de diplômes - Polytechnique, Mines de Paris, MBA de l'Insead -, elle peut diriger quelque secteur éditorial que ce soit sans état d'âme. Avant d'arriver en 2001 chez Editis, Catherine Lucet est passée d'Harlequin aux éditions scientifiques et médicales du groupe Elsevier. Aujourd'hui à la tête du pôle Education et Référence du deuxième groupe d'édition français, elle se passionne pour l'apport du numérique à la pédagogie et à la démocratisation du savoir, à laquelle elle est particulièrement attachée. Discrète, c'est une perfectionniste dopée par le stress et qui a bien conscience de n'être qu'au milieu de sa carrière.

Dominique Mattei : elle ne bulle pas

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En lançant, il y a dix-neuf ans, un festival de BD à Bastia, la directrice du centre culturel Una Volta ne s'est pas contentée de créer l'un des cinq ou six principaux événements culturels de l'île de Beauté, mobilisant en profondeur le réseau des établissements scolaires corses chaque année pendant des semaines, avant de culminer lors des quatre jours de la manifestation au début du printemps. Elle a surtout donné un sacré coup de vieux au principe traditionnel - et rasoir - du salon de BD privilégiant vente d'albums et dédicaces, en lui substituant un concept qui place l'auteur au centre de la rencontre et en valorise le "matériau artistique". Largement ouvert sur la ville, le festival est aujourd'hui une référence nationale, qui attire même la presse parisienne. C'est dire !

Emmanuel Benoît : imprimeur 0-1

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Surtout ne pas dire que Jouve n'est qu'un imprimeur ! Même si la vénérable maison, fondée en 1903 et alors spécialisée dans la poésie, continue de faire tourner les rotatives (notamment pour imprimer Livres Hebdo), elle est aussi capable de transformer des centaines de milliers de livres de la BNF en fichiers numérisés. Pas binaire pour autant, Jouve produit également, dans son usine à ePub de Lens, du livre numérique pur, lisible sur Kindle, iPad, Reader, Kobo, Nook, Cybook et autres machines à lire connues ou inconnues à ce jour. Emmanuel Benoît, directeur marketing et stratégie du groupe Jouve, aujourd'hui implanté des Etats-Unis jusqu'à la Chine en passant par l'Afrique, se fait un devoir d'expliquer les infinies possibilités techniques de la gestion documentaire, coeur de métier de l'entreprise, à des producteurs de choses écrites qui se croyaient jusqu'alors éditeurs à la recherche d'un imprimeur.

Colette Kerber : le réseau des réseaux

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Depuis Jack Lang, si vous dites "Colette..." à un(e) ministre de la Culture, il (elle) ne vous répondra pas : "Oui, bien sûr, l'auteure du Blé en herbe", mais plutôt : "Colette ? Embrassez-la de ma part." Mme du Deffand tenait salon dans la ruelle de sa chambre. Colette Kerber trône dans sa librairie de la rue Rambuteau, Les Cahiers de Colette, où elle reçoit artistes, intellectuels et politiques de tous bords, de toutes obédiences et de toutes sexualités. Les réputations s'y font et s'y défont, les nouveaux talents littéraires y sont adoubés. Le coeur d'un réseau à l'ancienne, avec les livres pour liens.

Arnaud Nourry : le monde sinon rien

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Il admet lui-même que, en juin 2003, il a été propulsé un peu par hasard à la tête d'Hachette Livre, filiale de Lagardère. Alors en plein processus de reprise d'une partie de Vivendi Universal Publishing, Arnaud Lagardère, qui venait de succéder à son père, débarquait Jean-Louis Lisimachio, avec lequel il était en conflit, pour nommer à sa place Arnaud Nourry. Mais, en quelques années, ce diplômé de l'ESCP Europe et de l'université Paris-Dauphine, fils d'un ingénieur et d'une libraire, va procéder en Angleterre et aux Etats-Unis à des acquisitions spectaculaires qui vont imposer le numéro un de l'édition française parmi les géants mondiaux du secteur. Réalisant plus des deux tiers de son activité hors de l'Hexagone, Hachette est aujourd'hui leader au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et dans le Top 5, en Espagne et aux Etats-Unis, où ses positions permettent au P-DG du groupe de jouer, face aux géants américains de la nouvelle économie, un rôle clé dans les débats agités qui accompagnent la mutation numérique de l'édition mondiale.

Pierre Assouline : Passou partout

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Dans quel journal Pierre Assouline n'a-t-il jamais chroniqué au moins une fois ? ParuVendu, peut-être ? Mais justement, ce titre-là a fait faillite... En France, en 2012, qui dit chronique littéraire dit Pierre Assouline. "Passou", comme il s'appelle lui-même sur son blog à succès (La république des livres), est partout. Sans parler de ses interventions à la radio, sur France Inter ou France Culture. Sans parler de ses cours de lecture et d'écriture à Sciences-Po. Lecteur infatigable, à l'enthousiasme communicatif et aux indignations justifiées, Pierre Assouline est aussi un auteur prolixe qui fut l'un des tout premiers à prendre le virage d'Internet, donnant l'exemple à nombre de ses confrères. Avec tant d'occupations, il n'a sans doute pas le temps de se faire à manger. Qu'à cela ne tienne : il a décroché, en janvier dernier, son couvert chez Drouant. Gageons qu'il contribuera à revivifier le Goncourt. Passou est un passeur. Un vrai.

François Maillot : pas un enfant de choeur

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Bon vivant et affable, François Maillot a repris le 1er janvier dernier, avec toute la foi nécessaire, la direction de La Procure, le groupe de librairies religieuses dont il était le numéro deux depuis déjà plusieurs années. Littéraire de coeur mais gestionnaire de formation, il a vite compris que le métier devait s'ouvrir aux évolutions technologiques touchant le livre. En 2006 déjà, il avait lancé une restructuration complète du site de La Procure. Aujourd'hui administrateur du Syndicat de la librairie française, il en préside de manière active la commission numérique.

Florence Aubenas : dans la peau des autres

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Elle avait créé l'événement en 2010, avec Le quai de Ouistreham, vendu à plus de 200 000 exemplaires. Journaliste au Nouvel Observateur et bientôt au Monde, Florence Aubenas popularisait un genre peu usité, le document d'immersion. Après avoir raconté son quotidien de femme de ménage en Normandie, elle récidivera à l'automne prochain, toujours aux éditions de l'Olivier. Cette fois, Florence Aubenas est partie vivre un an en banlieue - à Nanterre. Le genre a ses détracteurs. N'empêche : pareils livres donnent la parole à ceux qui ne hantent guère les rayons des librairies.

Xavier Moni : en campagne

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C'était le 22 décembre dernier. En plein rush des achats de Noël, François Hollande débarquait dans une librairie parisienne pour déclarer la guerre du livre à Nicolas Sarkozy. S'il était élu président de la République, le candidat socialiste s'engageait à supprimer la hausse de la TVA sur le livre. François Hollande n'avait pas mal choisi le terrain pour déclencher les hostilités. Sise rue de Bretagne, le coeur nucléaire du Paris bobo, diront les mauvaises langues, la librairie Comme un roman, fondée en 2001 par Xavier Mon, avec Karine Henry, aligne une superbe façade qui incite à pousser la porte. L'intérieur est tout aussi réussi. Comme un roman est de ces librairies qui donnent irrésistiblement l'envie de s'attarder et de musarder. D'ailleurs, François Hollande est reparti avec trois livres.

Philippe Colombet : pompier chez les pyromanes

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Comme pour Amazon, Google aurait mérité, dans ce dossier, un surclassement dans une catégorie spéciale - celle qui "secoue le livre" au lieu de le faire simplement "bouger". Pompier en France depuis 2005 du programme Google Livres, qui a embrasé la planète mondiale de l'édition, Philippe Colombet, officiellement responsable des partenariats stratégiques avec les éditeurs, les bibliothécaires et les librairies dans l'espace francophone européen, s'est efforcé d'apaiser la fureur soulevée par le programme de numérisation de livres lancé du moteur de recherche américain. Ses négociations, réussies avec la bibliothèque de Lyon mais ratées pour le moment avec la BNF, ont certes rejeté un peu d'huile sur le feu. Mais elles n'ont pas perturbé la signature de l'accord avec Hachette Livre ni celle du traité de paix avec La Martinière, seul éditeur au monde à avoir gagné un procès contre le Grand Numérisateur. Ces transactions doivent servir de modèle pour un contrat type à proposer aux maisons qui n'ont pas encore baissé pavillon - dont Gallimard, qui détient les clés du coffre de la littérature française. Gallimard ? Ce serait le dessert de ces barbares de l'informatique, ingénieurs devenus tellement fous de livres qu'ils promettent la bibliothèque-librairie numérique universelle depuis trois ans...

Jean Delas : baby-boom

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Leader - affirme-t-il - de l'édition pour la jeunesse, le bouillonnant patron de L'Ecole des Loisirs se pose volontiers en défenseur de la librairie, qu'il connaît bien. Le groupe d'édition fondé par son grand-père possède plusieurs magasins baptisés Chantelivre (à Paris, à Issy-les-Moulineaux et depuis 2009 à Orléans) et assure en direct la diffusion de sa production éditoriale. Une proximité avec les libraires qui lui a permis de leur faire accepter des espaces dédiés à la production de sa maison, en échange de conditions commerciales privilégiées. Et d'admettre également qu'il vende une bonne partie de son catalogue en direct aux collectivités... Bon prince, Jean Delas a contribué à faire exempter le livre de la loi imposant une réduction des délais de paiement, et le groupe a été le premier à augmenter ses remises, dans la foulée des Rencontres nationales de la librairie.

Bernard Lahire : sociologue des lettres

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Partant de l'échec scolaire, ce sociologue, professeur à Normale sup, en est rapidement arrivé à se pencher sur l'illettrisme et, par là, sur les modalités de l'accès au livre et à la lecture, qu'il aborde en disciple de Pierre Bourdieu, sous l'angle du "jeu social". Auteur d'un remarquable ouvrage, La condition littéraire : la double vie des écrivains, publié à La Découverte, où il est par ailleurs directeur de collection, il vient d'être nommé président de l'Arald, l'agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation. Cet excellent connaisseur de l'édition et de la vie intellectuelle devrait renforcer la déjà dynamique association rhône-alpine. Il vient tout juste de publier au Seuil Monde pluriel : penser l'unité des sciences sociales.

Olivier Pounit-Gibert : la librairie en héritage

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Un vent nouveau souffle sur les 30 librairies Gibert-Joseph depuis l'arrivée en 2000 d'Olivier Pounit-Gibert à la tête de l'entreprise centenaire, créée par son arrière-grand-père. A preuve : l'enseigne s'est vu confier la refonte de la plateforme informatique et logistique de 1001libraires.com, le portail des librairies indépendantes françaises. Avec son cousin Marc Bittoré, en charge des magasins parisiens, Oliver Pounit-Gibert a modernisé la marque, en la faisant pénétrer dans les centres commerciaux, mais surtout en l'ouvrant à Internet, d'abord prudemment en rejoignant Chapitre.com, puis en 2010 de manière plus volontariste en lançant avec succès son propre site.

Pascale Buet : Madame 37 %

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Les femmes sont rares à la tête des grandes structures de diffusion de livres en France. En poste depuis 2006, la directrice de Flammarion Diffusion est aussi la première parmi ses collègues à avoir incité son groupe à écouter les libraires pour améliorer leurs conditions commerciales. Dans la foulée des Rencontres nationales de la librairie organisées en mai 2011 à Lyon, Pascale Buet a révisé ses conditions générales de vente applicables à l'ensemble des éditeurs diffusés par Flammarion. Depuis le 1er janvier 2012, aucun libraire "satisfaisant aux critères qualitatifs" ne bénéficie d'une remise inférieure à 37 %. Et les crédits retours ont été ramenés de 60 à 30 jours. Des gestes qui traduisent une nouvelle approche de la relation entre éditeurs et libraires.

Sylvain Bourmeau : de la suite dans les idées

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Il s'est fait connaître aux Inrocks, où ses papiers parfois tranchés et ses diktats de faiseur de tendances lui valurent parfois des haines féroces (Didier Jacob, au Nouvel Observateur, le traitait au choix de "petit maître de la critique" ou de "maître censeur"). Il fut du démarrage de Mediapart. Depuis avril 2011, Sylvain Bourmeau est directeur adjoint chargé de la culture et des idées à Libération. Il a également la haute main sur le supplément "Livres" du jeudi. Par ailleurs, il produit et anime, sur France Culture, un magazine consacré aux sciences humaines, "La suite dans les idées". Un certain Nicolas Demorand, aujourd'hui patron de Libé, y fut chroniqueur. Passionné par les aventures collectives de presse, Sylvain Bourmeau revient à Libération (qu'il avait connu voici vingt-cinq ans, comme stagiaire) alors que le quotidien, dont l'encéphalogramme était devenu désespérément plat, semble reprendre du poil de la bête et du mordant. C'est bon signe pour le débat d'idées et pour le livre.

Christine Péclard : hors les murs

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Conceptrice de la belle médiathèque Marguerite-Duras (Paris 20e), Christine Péclard a eu la chance de recruter elle-même son personnel. Une équipe de choc pour un établissement de choc, récompensé par le prix Livres Hebdo des Bibliothèques 2011 de l'Espace intérieur. Convaincue que son expérience de bibliothécaire pour la jeunesse lui a permis d'évoluer tout naturellement dans un métier en pleine mutation, Christine Péclard fait de l'accueil et de la relation avec le public le pivot de son action, alors qu'ils sèment encore si souvent le désarroi chez un certain nombre de conservateurs attachés d'abord à chouchouter leurs collections. Grâce à elle, le livre bouge dans et hors les murs de la médiathèque : portage à domicile, interventions dans les écoles, collaborations avec les assistantes maternelles... Marguerite Duras doit apprécier, là où elle est, que son nom soit accolé à cette dynamique de quartier en faveur de la lecture.

Paul Otchakovsky-Laurens : jamais sans ma liseuse

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Prénom : Paul. Raison sociale : P.O.L. Surnom : POL. Voilà plus de trente ans qu'il roule sa bosse dans le marigot germanopratin, avec un seul credo : "Je ne cherche pas à trouver des livres qui se vendent, je cherche à vendre des livres que j'ai trouvés." Si ses choix divisent parfois la critique, POL réussit régulièrement des coups d'édition qui se transforment en succès de librairie. Et, chose rare, il a su fédérer, derrière sa marque, un public d'aficionados, y compris chez les jeunes. Naguère "danseuse" de ses employeurs, il est parvenu, à force de ténacité, à asseoir sa maison - même si c'est à l'ombre de Gallimard. Littéraire pur sucre, il est très branché techno, et on ne le voit plus sans sa liseuse. Nommé en janvier 2011 à la présidence de la commission d'avance sur recettes du CNC, il a été reconduit pour un an en janvier 2012. Passionné par son métier, mais farouchement ombrageux, POL est l'un des rares à perpétuer une tradition qui se perd dans le métier : la lettre d'insultes. L'auteur de cette notule conserve précieusement, comme un trésor autographe, celle qu'il a reçue un jour et qui se terminait par : "Décidément, monsieur, vous êtes infréquentable."

Laurent Beccaria : pater austère

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On imagine assez mal Laurent Beccaria partir en bordée avec Dodo la Saumure. Ce n?est pas vraiment le genre du personnage. Sous ses dehors d?'éternel jeune étudiant très sage à cheval entre la fac catho et la rue Saint-Guillaume, le créateur des éditions des Arènes et de la revue XXI, formidable succès de librairie, commence à prendre de la bouteille. S'?il en était un pour se couler à la perfection dans l?'ancienne adresse des très jansénistes fondateurs des éditions du Seuil, rue Jacob, c?est bien lui. Mais surtout, il a communiqué le virus de ­l?'intran­sigeance et du sérieux à une nouvelle génération qui rêve, un jour, de lui succéder.

Béatrice Duval : l'intuitive

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Un brin frondeuse, Béatrice Duval a toujours fonctionné au challenge. Son dernier en date fut de quitter les Presses de la Cité en 2011 pour prendre la direction de Denoël. Elle tournait alors le dos à Editis, où elle a exercé une grande partie de sa carrière à travers plusieurs de ses filiales après avoir fait ses armes chez J'ai lu. Elle rejoint la filiale historique de Gallimard avec pour mission d'y attirer des auteurs à succès sans se les faire chouraver par la maison mère. Un sacré défi, qui n'est pas sans l'exciter. "J'ai une idée par jour", confie celle qui a une forte intuition des succès - ça tombe bien - et qui sait créer des connivences, stimuler les esprits et valoriser les auteurs.

Robert Darnton : la vigie

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Américain pur beurre de cacahuètes (naissance à New York, études à Harvard), Robert Darnton nous a pourtant fait redécouvrir une partie de notre histoire hexagonale. Passionné par les prémices de la Révolution, il est l'auteur de quelques études magistrales sur l'histoire sociale du livre en France au temps des Lumières, qui lui ont valu une notoriété mondiale et, chez nous, la médaille des Arts et des Lettres et la Légion d'honneur. Aujourd'hui professeur émérite à Princeton et directeur de la prestigieuse Harvard University Library (17 millions de volumes !), il s'est imposé comme figure de référence pour toute réflexion sur la cohabitation de l'imprimé avec le numérique. Il est aussi de ceux qui, des deux côtés de l'Atlantique, ont mis en garde la communauté du livre contre les dangers d'un trop grand monopole de Google. Son projet de bibliothèque numérique, prévu pour 2013, serait le pendant américain d'Europeana.

Sylvie Champagne : de la bouteille

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En créant, en septembre 2011 à Orléans, une librairie de 1 400 m2, Sylvie Champagne a montré qu'elle ne manquait pas d'audace. Forte d'une expérience de plus de vingt-cinq ans passés au service du livre, dont près de vingt au sein du groupe Privat, elle a imaginé, avec Passion Culture, un concept de librairie atypique pour lequel elle n'a pas hésité à "mettre ses tripes sur la table". Situé dans un quartier en pleine évolution, son magasin, de la taille d'une grande surface spécialisée, s'efforce de s'en différencier par la profondeur de son assortiment, organisé autour d'univers thématiques, ainsi que par la qualité de service et l'organisation d'animations culturelles savamment promues, notamment via les réseaux sociaux.

Olivier Cohen : à l'abri de tout

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Sous la ramure qui orne les couvertures des éditions de l'Olivier, un joli catalogue d'auteurs français et étrangers s'est mis à fructifier depuis 1991, date à laquelle Olivier Cohen a créé sa maison. Il n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il avait fait ses armes au Sagittaire, chez Mazarine et chez Payot. Plusieurs récompenses littéraires sont venues couronner une ligne éditoriale cohérente et un fonds envié. A tel point qu'il vient de se faire dérober Olivier Adam, prix RTL-Lire pour Des vents contraires, par Flammarion. Sans se laisser emporter par la bourrasque, Olivier Cohen maintient envers et contre tout une production stabilisée autour d'une petite quarantaine de titres.

François Busnel : Pivot et fils

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Même si les audiences ne sont pas comparables ("O tempora, o mores", disaient les anciens), François Busnel est incontestablement celui qui a su le mieux se couler dans le fauteuil télévisuel laissé vacant par Bernard Pivot. Sa "Grande librairie", sur France 5, demeure le seul véritable rendez-vous littéraire du petit écran. Et en journaliste retors, Busnel - également chroniqueur à L'Express, directeur de la rédaction de Lire - sait se ménager quelques bonnes exclusivités.

Xavier Cazin : fleuriste virtuel

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En 2008, il fonde avec Julien Boulnois Immatériel, une société de distribution de livres numériques qui rassemble aujourd'hui 250 éditeurs et 17 000 titres. Il ne désespère pas d'intéresser les libraires, qu'il trouve trop frileux sur le sujet : "Tout le monde sait qu'un client qui pousse la porte d'une librairie pour acheter un livre en repart avec deux ; le deuxième pourrait bien être un ebook !" En attendant que les libraires se décident, il fournit des "bouquets" de livres aux bibliothèques françaises et québécoises, à charge pour elles de les faire fleurir chez leurs clients.

Oliver Gallmeister : gestion durable

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Sa maison d'édition, qui porte son nom, n'a que six ans d'existence, mais depuis le début elle donne le sentiment de reposer sur les fondamentaux du métier. Oliver Gallmeister publie peu, réinvestit les bénéfices dans la qualité des ouvrages et creuse une politique éditoriale bien identifiée. Une forme de gestion durable pour l'éditeur de nature writing et de littérature américaine. Ces principes rigoureux, alliés à une grande proximité avec les libraires, lui ont valu une reconnaissance critique et commerciale, ainsi que le prix Médicis étranger 2010 pour Sukkwan island, de David Vann. Oliver Gallmeister croit à l'édition artisanale, presque frugale, en opposition au modèle industriel. Et ça marche.

Robert Pattinson : rhââ lovely...

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Interprète à l'écran du beau vampire Edward Cullen, héros de Twilight, l'acteur britannique Robert Pattinson a rallié à son noir destin les filles du monde entier. Et suscité des ruées dans les librairies. Si Harry Potter avait conquis un vaste public, y compris adulte, la tétralogie de Stephenie Meyer, best-seller aux 100 millions de volumes vendus dans le monde, 5 millions en France, a ouvert à l'édition un nouveau segment, celui des 15-35 ans. Hachette, l'heureux détenteur des droits de Stephenie Meyer, publiée à l'origine dans une filiale américaine du groupe, a créé à leur intention un nouveau label, "Black Moon". Et beaucoup d'éditeurs, alléchés par le succès, se sont précipités pour enrichir ce nouveau rayon de librairie avec des collections estampillées Young Adults.

Marc Filipson : flibustier

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Il a figuré parmi les 10 finalistes du prix du "Manager de l'année 2011" du magazine économique Trends-Tendances en Belgique. Le patron de la librairie Filigranes, à Bruxelles, n'a pas gagné le prix, mais cette nomination atteste de sa réussite d'entrepreneur. Un des rares libraires indépendants à se revendiquer "vendeur de livres", Marc Filipson est à l'affût de tout ce qui peut accroître sa marge. Ce qui l'a conduit à créer un style de librairie décomplexé et convivial. Au milieu des livres, on trouve un "cafffé", un piano à queue, un rayon vins, un rayon numérique, des DVD, des gadgets, la presse... Ouverte toute l'année 7 jours sur 7, Filigranes essaime désormais hors de Bruxelles. Après, en décembre 2011, Marc Filipson a même tenté une (première ?) incursion française avec une librairie saisonnière à Megève. Et ses campagnes de communication dénotent par leur originalité. Son ambition, sa pratique très libre des prix dans un marché où ils ne sont pas réglementés, son bouillonnement permanent suscitent autant d'enthousiasmes que de critiques.

Jean-Marc Roberts : old school

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On dit souvent qu'un éditeur est un écrivain frustré. Et c'est vrai qu'ils sont rarissimes à réussir sur les deux tableaux. Jean-Marc Roberts est de ceux-là. Prix Renaudot lui-même, il s'est très tôt attaché à obtenir des récompenses pour ses poulains. Au Seuil, il en était devenu l'organisateur incontournable. Il lui a fallu quelques années pour faire monter la mayonnaise ailleurs. Chez Stock, il a commencé par avoir son marchepied au Renaudot. Cette année, il a obtenu son bâton de maréchal en installant Philippe Claudel dans le jury Goncourt. Inapte au maniement de tout écran ressemblant de près ou de loin à un ordinateur, il joue sa partition en revisitant à sa façon l'édition de papa.

Vincent Monadé : toujours sur le Motif

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Depuis que l'Ile-de-France s'est dotée d'une politique du livre, la Région a largement rattrapé son retard et le fait savoir. Ancien conseiller culturel de Jean-Paul Huchon, soutien de François Hollande, Vincent Monadé, qui dirige le Motif depuis sa création en 2008, a fait de l'observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France un puissant outil de communication, d'expérimentation et de ressources. Le Motif accompagne auteurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires et mène de nombreuses études : sur l'offre légale et illégale de livres numériques, sur les agents, les horaires d'ouverture des bibliothèques, les droits d'auteurs en Europe... Du coup, l'organisme oriente la politique de la Région, qui a voté des formations professionnelles pour les auteurs, des formations au numérique, des aides à la librairie indépendante...

Guy Delcourt : l'Indiana Jones de la BD

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C'est dans son appartement de la rive droite, à Paris, que Guy Delcourt, alors jeune analyste financier devenu brièvement mais passionnément rédacteur en chef de Pilote après une interview de Harrison Ford pour le premier Indiana Jones, lance en 1986 les éditions Delcourt. Prudent et méthodique, il peine d'abord à émerger dans un marché de la bande dessinée en pleine crise. Mais vingt-cinq ans et plusieurs bonnes intuitions plus tard, il est à la tête d'un des tout premiers groupes du secteur en France. Jonglant entre Delcourt, Tonkam et Soleil, racheté en 2011, il ne craint pas de faire le grand écart entre la fantasy populaire et le roman graphique, entre une collection "Erotix" et un secteur jeunesse, entre Les blondes, Les blagues de Toto ou les Chroniques de Jérusalem... Tout est bon, du moment qu'il s'agit de BD !

Joël Faucilhon : indépendant

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Depuis les débuts de l'atypique "Projet Lekti" qu'il a créé en 2002, Joël Faucilhon est cohérent. Même si son activité a évolué : tour à tour revue littéraire, vitrine d'éditeurs indépendants, puis librairie en ligne s'appuyant sur une coopérative de libraires indépendants, c'est aujourd'hui une bibliothèque numérique. Mais la philosophie est restée la même, avec l'indépendance et la qualité pour seuls critères, avant celui du chiffre d'affaires. Une démarche peut-être risquée d'un point de vue économique, mais qui attire des éditeurs aux catalogues exigeants, respectueux de la chaîne du livre : Zoé, Anacharsis, Chandeigne, Hermann, Passage du Nord-Ouest, Quidam, Sulliver... En 2009, Lekti est devenu agrégateur numérique pour la BNF. A présent, la plateforme, qui utilise des logiciels libres, propose aussi aux bibliothèques des accès illimités sur abonnement à une trentaine de catalogues numériques d'éditeurs indépendants. Depuis Albi, avec cinq autres personnes, Joël Faucilhon numérise en outre les fonds d'une soixantaine de maisons.

Xavier Garambois : sans frais de port

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Arrivé en 2004 à la tête d'Amazon France, où il succédait à quatre directeurs en quatre ans, Xavier Garambois fait preuve d'une longévité remarquable par rapport à ses prédécesseurs. Qu'il ait développé la filiale confiée à ses bons soins, c'est une évidence, sinon Jeff Bezos, patron du groupe qui secoue durement le livre partout dans le monde, aurait de nouveau actionné le siège éjectable. Mais rien ne filtre de ses performances - sauf lorsqu'il s'agit d'étouffer une grève sur des revendications salariales dans l'entrepôt d'Orléans. Les ventes sont encaissées au Luxembourg, dans une opacité soigneusement entretenue. Si Amazon propose toujours des livres, vendus au maximum du rabais autorisé et toujours expédiés gratuitement (au grand désespoir des libraires, mais pas des clients), on y trouve aussi désormais des ordinateurs, des réfrigérateurs, des aspirateurs et des percolateurs, mais pas encore de raton laveur. Depuis octobre dernier, le site vend même des livres numériques en français et un premier modèle de Kindle, qui devrait être suivi d'autres versions de la liseuse maison, assurément la vedette du premier stand de la marque pour ce Salon du livre 2012.

Alexis Vivant de Grotthuss : l'iconoclaste

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Z'ont peur de rien, ces jeunes ! En 2011, Alexis Vivant de Grotthuss, venu de la production de dessins animés, crée une maison d'édition au nom un rien provocateur : Goodbye paper. Lui-même se définit comme "éditeur technologique de contenus féeriques". Ses livres ne sont pas des "livres", mais des applis pour iPad. Les quatre premiers titres de la collection "Même pas peur" (Gaspard, Le loup qui avait peur du loup ; Marcel, le cochon qui avait peur de se salir ; etc.), vendus 3 euros pièce, jonglent brillamment avec toutes les possibilités de la technologie : images animées, sons, jeux... et, en prime, pour les parents paresseux, la voix truculente et inimitable de Jean-Pierre Marielle pour lire chaque histoire.

Hervé Gaymard : fée du logis

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Ancien ministre des Finances du gouvernement Raffarin, Hervé Gaymard avait été contraint à la démission à la suite d'une sordide affaire de duplex de 600 m2 dans les beaux quartiers parisiens qu'il louait pour le prix d'une studette à Romorantin. Profitant de ses congés forcés pour écrire un Pour Malraux, à la Table Ronde (en 2006), il expliquera dans un entretien que "la littérature est un extraordinaire viatique. Elle donne un recul et une force qui permettent de relativiser et de tenir en cas de coup dur". En 2008, il se voit confier par le ministère de la Culture un rapport sur l'évaluation de la loi Lang à l'aune des bouleversements qui agitent l'industrie du livre. Hervé Gaymard s'est jeté sur cet os à ronger avec la férocité de celui qui voulait prouver qu'il n'avait pas démérité du service de l'Etat. Force est de reconnaître qu'il n'a pas ménagé sa peine, témoignant dans cette aventure d'une grande capacité d'écoute aussi bien que d'un vrai talent de synthèse. Depuis, Hervé Gaymard ne lâche plus le monde du livre. Jamais un parlementaire n'avait autant mouillé sa chemise pour la profession, dont il est devenu le meilleur connaisseur. Aujourd'hui, il est de tous les dossiers, TVA sur le numérique, délais de paiement, exploitation numérique des indisponibles... Le 15 février dernier, il tentait même (sans succès) de faire passer en force un amendement pour supprimer la hausse de la TVA sur le livre papier. On ne peut que souhaiter qu'il soit réélu député (UMP) de Savoie aux prochaines législatives.

Françoise Nyssen : l'Arlésienne

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Toujours fidèle à Arles, où son père avait installé les éditions Actes Sud, Françoise Nyssen est pourtant devenue une figure de Saint-Germain-des-Prés. Elle a construit en trente ans, avec son mari Jean-Paul Capitani, la plus belle des maisons d'édition indépendantes. Si, dans les années 1980, Hubert Nyssen avait su scotcher les trentenaires avec le format particulier de ses livres et son ouverture à la littérature étrangère, eux ont transformé l'essai en diversifiant largement le catalogue, de la jeunesse au livre d'art, et en agrégeant autour d'eux des éditeurs aux compétences complémentaires. Ils ont également noué avec les libraires des relations étroites, que beaucoup de leurs confrères cherchent aujourd'hui à reproduire. Enfin, ils innovent en permanence dans une maison d'édition qui ressemble désormais à une ruche industrieuse.

Fabienne Kriegel : modeuse

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Fabienne Kriegel est une drôle d'alchimiste : elle transforme les phénomènes de mode en beaux livres qui se retrouvent au pied de tous les sapins français. La directrice générale du Chêne a commencé, à son arrivée en 2006, par adapter des émissions télévisées, "D'art d'art" puis "Silence, ça pousse !" ou "Le magazine de la santé", pour en faire des succès de librairie. Elle a ensuite pensé des livres en lien avec des sites à la mode comme MylittleParis, qui donne l'impression à toute jeune citadine d'être une happy few. Elle a aussi senti les envies de vintage pour développer toute une gamme de papeterie et de grimoires de cuisine. Autant d'idées qu'elle puise parfois dans ses mille vies antérieures. A 20 ans, elle créait la marque de mode underground Fabienne K, avant de toucher à la photo au studio Pin-up, puis à la presse féminine ou au rock'n roll.

Michel-Edouard Leclerc : hyper livre

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Beaucoup le honnissent. N'empêche : le patron de Leclerc, au sourire carnassier, fait bouger le livre. Le secteur lui doit en grande partie sa très relative stabilité : chaque année, les nouveaux Espaces culturels Leclerc apportent quelques points de croissance. Très à l'aise au milieu des critiques littéraires, des romanciers et des intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, auxquels il rappelle volontiers sa maîtrise de philo, l'héritier de l'épicier de Landerneau est aujourd'hui l'un des rares à miser aussi fortement sur le livre. Le 200e Espace culturel a été inauguré en 2011. Il prend sa place parmi les 550 centres Leclerc de France, dont bon nombre sont implantés dans des zones rurales dépourvues d'offre culturelle.

Guillaume Husson : le hussard de la librairie

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D'un seul coup, la librairie est devenue un enjeu politique. Et si s'épancher sur les difficultés des libraires est devenu une figure obligée du discours électoral, c'est grâce à lui. Discret, voire secret, Guillaume Husson a la raideur - et la rigueur - des serviteurs de l'Etat. Ce qu'il fut d'ailleurs, en tant que directeur du département de l'économie du livre de feue la Direction du livre au ministère de la Culture. Depuis 2008, il est délégué général du Syndicat des libraires de France. A ce titre, en moins de quatre ans, il a professionnalisé cette structure qui compte désormais plus de 500 adhérents et lui a donné une véritable crédibilité vis-à-vis des pouvoirs publics. Les premières Rencontres nationales de la librairie, qu'il a largement contribué à organiser en mai dernier à Lyon, ont été le point d'orgue de ce travail souterrain, et le point de départ d'une nouvelle visibilité de la profession.

Renny Aupetit : à l'Est, du nouveau

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En 2004, Renny Aupetit, ancien consultant, reprend avec Nathalie Lacroix une papeterie du 20e arrondissement parisien pour en faire une librairie. Le Comptoir des mots, avec son vrai comptoir de bistrot pour savourer un petit noir en parlant de littérature, s'impose d'emblée comme l'une des meilleures librairies parisiennes, qui décrochera le label Lir en 2009. Membre du directoire du Syndicat de la librairie française (et candidat malheureux, en 2011, à sa présidence), Renny Aupetit est aussi la cheville ouvrière, et président en titre, du regroupement des libraires de l'Est parisien. Après avoir racheté la Générale du Livre, qui disposait d'un entrepôt à Charenton, en proche banlieue, ils ont créé Librest, un outil pensé par des libraires, pour des libraires, et dont la vocation affichée est de devenir "incontournable » en matière de distribution de la petite édition. Dans une tribune publiée par Le Monde du 4 janvier dernier, les membres de Librest invitaient par ailleurs les consommateurs à mesurer les conséquences de leurs achats de livres chez les géants mondiaux de la vente en ligne : "C'était un appel à la bibliodiversité", résumera Renny Aupetit dans nos colonnes.

Mathias Echenay : surVolté

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A 43 ans, et fort d'une expérience chez quatre des cinq principaux diffuseurs de livres de la place, le directeur général du Centre de diffusion de l'édition incarne la nouvelle génération de patrons de la diffusion - fidèles à leur entreprise mais désireux d'évoluer, prêts à se donner par passion mais assumant leurs ambitions, ne comptant pas leur temps mais s'en ménageant néanmoins pour leurs propres hobbies. Celui de Mathias Echenay ne l'éloigne qu'en partie de son quotidien : féru de science-fiction, il anime les petites éditions La Volte, fondées il y a huit ans avec des amis. La preuve qu'il s'intéresse au livre au-delà des scores de mise en place.

Charles Kermarec : duc de Bretagne (et d'ailleurs)

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Non content de diriger l'une des plus grandes et des plus belles librairies de France, Dialogues, à Brest, Charles Kermarec s'est lancé dans l'édition sous le même label que sa librairie. L'éditeur d'Irène Frachon, le médecin qui a dénoncé le scandale du Mediator, c'est lui. A force de fréquenter les éditeurs et leurs méthodes marketing, Kermarec avait su trouver, pour cet ouvrage, le bandeau qui tue ("Combien de morts ?"), gage d'une polémique, d'un procès et d'un succès assurés. Rugueux de prime abord, toujours à râler contre tout et tout le monde, Charles Kermarec est, en bon Breton bretonnant, accueillant, généreux et chaleureux. Mais il préfère que ça ne se sache pas.

VendrediLecture : lecteurs partageurs

Rien de tel qu'un bon bouche-à-oreille pour s'assurer le succès d'un livre. L'explosion des réseaux sociaux, où pullulent des groupes de partage de lecture, a donné un coup d'accélérateur au phénomène. Ainsi de VendrediLecture, l'un des clubs de lecture les plus influents. Deux blogueuses, Marion - une informaticienne expatriée à Dublin - et Sabbio - une artiste parisienne - l'ont créé en avril 2011, sur le modèle du FridayReads américain. Dix personnes, âgées de 18 à 32 ans, s'en occupent toutes les semaines, sans jamais s'être rencontrées physiquement. Chaque vendredi, les participants notent sur Facebook ou Twitter le titre du livre qu'ils sont en train de lire. Les autres membres commentent ou s'en inspirent. Une liste hebdomadaire est ainsi constituée avec un classement des ouvrages les plus lus. Un tirage au sort permet de gagner des livres publiés par des éditeurs partenaires (Le Livre de poche, les Presses de la Cité...) mais aussi des auteurs autoédités qui trouvent ainsi un moyen de se faire connaître.

Guillaume Decitre : digital native

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Cet informaticien de formation a passé une dizaine d'années à développer des start-up dans la Silicon Valley, en Californie. Mais fils, petit-fils, arrière et même arrière-arrière-petit-fils de libraire, Guillaume Decitre a été amené à reprendre en 2007 la direction de l'enseigne familiale, qui porte son nom. Aussi entreprenant que son père Pierre, ce technophile averti fait son miel des nouvelles technologies. Il vient ainsi de lancer, avec d'autres partenaires, la plateforme de distribution numérique Tea, ainsi qu'un site communautaire de lecteurs, Entrée Livre (www.entreelivre.com), déconnecté de son site marchand. Dans la foulée, il prépare, pour début avril, l'ouverture au sud de Lyon d'un neuvième magasin annoncé comme une librairie du troisième type. Très concerné par les évolutions de la profession, Guillaume Decitre a également fait revenir son groupe au sein du Syndicat de la librairie française, dont il est devenu l'un des administrateurs en 2011.

Nicolas Georges : l'homme des chartes

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La cheville ouvrière de la loi sur le prix unique numérique, c'est lui. L'harmonisation entre la TVA sur le livre imprimé et le livre numérique, c'est encore lui. Il est aussi l'artisan de la rédaction du texte de loi sur la numérisation des livres indisponibles que vient d'adopter le Parlement et qui devra figurer dans le Code de la propriété littéraire. Chaque fois, il a eu à gérer, en diplomate, les relations avec Bruxelles, au coeur de tous ces dossiers sensibles. Autant dire que pour un conservateur (du patrimoine), ce chartiste de formation ne craint pas l'innovation. Pur représentant de la haute fonction publique, il est arrivé dans le secteur du livre en 2008, comme adjoint au directeur du livre et de la lecture - à l'époque, Benoît Yvert. La RGPP (révision générale des politiques publiques) lui a fait perdre une partie de son périmètre d'action. Il est désormais directeur adjoint, chargé du service du livre, au sein de la Direction générale des médias et des industries culturelles dirigée par Laurence Franceschini. Serviteur !

Dominique Lemieux : ensemble, c'est tout

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Directeur général des Librairies indépendantes du Québec (Liq), Dominique Lemieux a réussi l'été dernier le lancement de ce que les libraires français peinent à réaliser : une plateforme collective de vente de livres en ligne qui fonctionne et séduise. Une "petite révolution", comme il le souligne dans son dernier éditorial du magazine Le Libraire, un bimestriel que les membres des Liq produisent ensemble à destination de leur clientèle. D'autant que Ruedeslibraires.com, qui donne accès aux titres français et québécois en versions physique comme numérique, développe aussi un dispositif commun dédié à la vente de livres numériques aux clients institutionnels. Actuellement en test avec plusieurs établissements, une plateforme complémentaire, Pretnumerique.ca, permettra aux bibliothèques publiques d'organiser le prêt de leurs livres numériques.

Intouchables : ils roulent pour le livre

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C'est la crise, les ventes de biens culturels sont en berne et, pourtant, les salles de cinéma françaises n'ont jamais autant fait le plein. Avec plus de 215 millions d'entrées, leur fréquentation en 2011 a atteint un chiffre record depuis quarante-cinq ans. Le succès phénoménal d'Intouchables a logiquement contribué à cette performance. L'humour et les bons sentiments de François Cluzet et d'Omar Sy ont dopé dans leur sillage les ventes du livre dont l'histoire est inspirée : Le second souffle, de Philippe Pozzo di Borgo (Bayard). Un exemple loin d'être isolé : le cinéma est devenu le meilleur allié du livre. Quand il ne crée pas un succès, le passage sur grand écran d'un roman déjà célèbre relance les ventes, comme dernièrement pour L'amour dure trois ans, de Frédéric Beigbeder ; La délicatesse, de David Foenkinos ; ou La couleur des sentiments, de Kathryn Stockett. D'ici à ce que les éditeurs et les libraires complètent leur abonnement à Livres Hebdo par un autre au Film français...

Olivier Poivre d'Arvor : objectif rue de Valois

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C'est le frère de l'autre. Sa bibliographie n'est pas moins étoffée (plus d'une vingtaine d'ouvrages, dont plusieurs en collaboration avec son aîné), mais lui n'a jamais été surpris le doigt dans le pot de confiture du plagiat, ni épinglé pour un quelconque scandale journalistico-people. Le créateur du Marathon des mots à Toulouse joue au ludion : à mesure que PPDA dégringole dans l'échelle de la notoriété et du pouvoir, son cadet ne cesse de grimper. Responsable durant dix ans de la politique culturelle au Quai d'Orsay, il se définit comme "écrivain, philosophe et diplomate".

Patron de France Culture depuis 2010, il ne fait pas mystère de ses engagements à gauche. Très proche de Martine Aubry, il se voyait déjà comme son ministre de la Culture. Depuis, il a affiché son ralliement à Hollande, et poursuit le même but. Au point de publier en janvier, chez Tchou, un petit opuscule (Culture, état d'urgence) qui tient de la lettre de motivation.

Grégory Nicolaidis : réseautage d'auteurs

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Renouveler la rencontre entre auteurs et producteurs (de livres, de disques, de films...) : c'est l'ambition de Grégory Nicolaidis, 32 ans, créateur du réseau social d'auteurs Welovewords.com. En deux ans à peine d'existence, le site compte plus de 6 000 membres qui écrivent romans, nouvelles, chansons, poèmes, scénarios, articles ou slogans. En partenariat avec des éditeurs, Grégory Nicolaidis, ancien responsable maketing chez Universal, a lancé des concours auprès de la communauté de créateurs. C'est ainsi que Flammarion a trouvé un auteur de comédie romantique, que J'ai lu a déniché son SAS au féminin pour sa collection érotique, que La Musardine va publier Osez... 20 nouvelles de sexe sur Internet. "Nous apportons aux éditeurs un vivier d'auteurs qu'ils ne trouveraient pas forcément avec leur réseau traditionnel, souligne Grégory Nicolaidis. Nous sommes une place de marché, un apporteur d'affaires, une passerelle, mais pas un agent." Welovewords est hébergé par le Labo de l'édition de la Mairie de Paris, qui soutient des projets innovants.

Patrick Gambache : l'Ovni

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Il n'est pas du sérail. Mais depuis dix ans qu'il est entré dans l'édition, il a grimpé les échelons à la vitesse d'un sprinter, une success story qu'il doit à sa redoutable intelligence. Aujourd'hui âgé de 53 ans, Patrick Gambache a commencé sa carrière comme instituteur, avant de se spécialiser dans l'enseignement auprès d'enfants handicapés ou en grande difficulté. Il découvre l'informatique, le Minitel, les CD-Rom... et se passionne pour ces nouvelles technologies qu'il utilise pour créer des outils pédagogiques. En 2002, il entre aux éditions Delagrave, filiale de Flammarion. Quatre ans plus tard, il est nommé directeur. Puis il devient le patron de J'ai lu, poste qu'il va cumuler avec la direction du développement numérique de Flammarion et la direction générale d'Eden. Le 1er juillet dernier, il rejoint La Martinière, où il est désormais directeur général de la collection "Points", au Seuil, mais surtout responsable de la coordination éditoriale du groupe, ainsi que du développement numérique. Accessoirement, c'est un fin observateur des mutations aujourd'hui à l'oeuvre dans le livre.

Henri Bovet : le décapeur

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Qui aurait misé sur la poussiéreuse Réunion des musées nationaux (RMN) pour être pionnière dans l'innovation technologique et éditer le tout premier livre d'art (le catalogue Monet, fin 2010) sur iPad ? Il faut dire que les éditions de la RMN ont connu un profond bouleversement depuis l'arrivée en 2009 d'Henri Bovet. L'ancien directeur éditorial de Tallandier, passé par First et le Grand Livre du mois, a appliqué les recettes du privé à l'éditeur public. Résultat : moins de catalogues raisonnés exhaustifs et plus de livres grand public, déclinés en de multiples collections, à différents prix. Les ventes, qui autrefois se faisaient pour l'essentiel dans les musées, ont migré vers les librairies, et désormais les catalogues des grandes expositions se placent dans les meilleures ventes du rayon beaux livres. Côté applis, l'éditeur a systématisé le passage de ses albums sur iPad et vient d'embaucher un directeur adjoint responsable du numérique, Roei Amit, pour multiplier les prolongements immatériels du papier.

Narges Temimi : la geek venue des lettres

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Parce qu'elle est elle-même une dévoreuse de nouvelles technologies, Narges Temimi, responsable du développement numérique de Libella, pense avant tout aux usagers. "Le livre numérique doit être aussi simple d'accès que le papier, il ne faut pas ajouter des obstacles ou enfermer le lecteur", dit-elle. Du coup, le catalogue numérique de Libella est vendu sans DRM. Narges Temimi a conçu un programme mêlant le fonds et les nouveautés, avec des thématiques, des focus sur des auteurs... et des offices. Si elle est une "geek" revendiquée, cette Tunisienne de 35 ans a un parcours universitaire classique - maîtrise de lettres et DESS d'édition à la Sorbonne - et ne tourne pas le dos au papier. Elle a passé huit ans chez Gallimard comme secrétaire d'édition aux collections de poche, avant de rejoindre Libella en septembre 2010. C'est aussi elle qui a conçu le beau livre de photos sur la révolution tunisienne, Dégage !, paru en janvier chez Phébus.

Arnaud Hofmarcher : polarisé

Arnaud Hofmarcher développe sa passion pour la littérature étrangère, à la fois pour Le Cherche Midi et pour Sonatine. Son credo pour chacune des deux maisons : dénicher la perle rare, le texte inédit ou oublié qu'aucun autre éditeur ne lui disputera. Au Cherche Midi, où il est à l'oeuvre depuis 1991, il a créé avec Claro la collection "Lot 49", destinée à publier des auteurs expérimentaux comme Richard Powers et William Gass ; et il lance cette année des romans grand public signés Arthur Phillips ou Philip Caputo ("Ailleurs").
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Avec son acolyte François Verdoux, fondateur de Sonatine, il a imposé en trois ans LA maison branchée du polar, remarquée notamment pour Au-delà du mal, de Shane Stevens. Et il remporte le succès que l'on sait avec Hugh Laurie (le Docteur House de la série) et Jesse Kellerman. Pour s'amuser, le duo infernal a décidé de lancer en 2012 de la "littérature blanche", avec de nouveaux talents décoiffants des lettres américaines, Chris Bachelder et Christopher Sorrentino.

Bruno Racine : cumul de mandats

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Président de la BNF depuis 2007, ce haut fonctionnaire qui est aussi écrivain et amateur d'art contemporain n'hésite pas à mouiller sa chemise pour porter les couleurs de la France à l'étranger. Résultat : deux présidences en plus, celle de la Conférence des présidents des 49 bibliothèques nationales européennes (CENL) et celle de la bibliothèque numérique Europeana. En France, Bruno Racine a été chargé par le ministre de la Culture de gérer le délicat dossier de la numérisation massive des collections de la BNF ainsi que des 500 000 oeuvres indisponibles. Son règne à la tête de la BNF aura aussi été marqué par le développement du sponsoring, pas toujours bien vu des syndicats, et du mécénat. Son plus beau coup ? L'acquisition, en 2010, des manuscrits de Casanova, dont la mythique Histoire de ma vie (un seul exemplaire connu), raflé au nez et à la barbe des collectionneurs du monde entier pour la coquette somme de 7 millions d'euros - apportés par un mécène qui a souhaité garder l'anonymat.

04.02 2015

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