Livres Hebdo : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Eric Giacometti : Nous étions camarades de classe au lycée, à Toulouse. On était les deux seuls garçons à ne pas aimer le rugby ! On préférer bouquiner dans la cour. Un jour, on s'est aperçus qu'on lisait le même livre sur les Templiers. Notre amitié s'est forgée sur les mythes et les trésors qu'ils inventent. Nous nous sommes rendus sur les sites des Templiers, faire des fouilles, comme des Indiana Jones de Province.
Jacques Ravenne : Et puis, en 2004, Eric, qui était journaliste, a publié un article sur les francs-maçons du sud de la France, qui a fait grand bruit. Je suis franc-maçon, contrairement à lui. En discutant, nous nous sommes rendus compte qu'il existait très peu de héros francs-maçons dans la littérature française. Nous avons décidé d'en créer un, le flic Antoine Marcas.
Comment avez-vous organisé votre travail ?
J.R. : Moi, mon truc, c'est plutôt le roman historique, et Eric l'histoire contemporaine. Nous établissons ensemble un scénario très précis, on sait exactement où on va. Chacun écrit sa partie et l'envoie à l'autre, et puis nous relisons tout, nous réécrivons si besoin.
Pas de différences de style ?
E.G. : Pas que nous sachions. À force, il y a un effet de mimétisme entre nous. Pas comme chez Boileau et Narcejac, où l'un inventait tout et l'autre rédigeait !
Aviez-vous publié des livres en solo auparavant ?
E.G. : Moi, Pannes de cœur, un polar chez Fleuve Noir paru en 2004. Un bide absolu ! Mais ça m’avait mis le pied à l’étrier. Du coup, on est revenus voir l’éditrice de l’époque, Béatrice Duval, à deux. Nous avons signé notre contrat juste avant la publication de Da Vinci code. Mais notre roman, Le rituel de l’ombre, est sorti un an après. Il est évident que le succès planétaire du livre de Dan Brown a ouvert une voie royale pour le thriller ésotérique.
J.R. : J’avais écrit une biographie du marquis de Sade, édité sa correspondance, et raconté les trois derniers jours de Robespierre. Et, au CNRS, j'ai travaillé sur les Cahiers de Paul Valéry. Je m’intéresse beaucoup à notre patrimoine littéraire.
Vous citez le Da Vinci Code. Vos romans ont-ils des points communs avec lui ?
E.G. : Pas vraiment. Dan Brown prétend que tout ce qu’il raconte est vrai, alors que nous, nous distinguons le vrai, l’historique, du faux, que nous avons inventé. On sait, par exemple, que tous les documents qu’il dit avoir été déposés à la Bibliothèque Nationale de France sont faux !
Comment s'est développée votre œuvre au fil de ces 20 ans ?
J.R. : Nous avons imaginé deux sagas, celle d’Antoine Marcas, d’abord chez Fleuve Noir, reprise en poche chez Pocket. Neuf titres parus, dont deux ont dépassé les 100 000 exemplaires en grand format : Le septième Templier (2011) et Le règne des Illuminati (2014). Puis, tout en poursuivant cette série, nous avons inventé sa préquelle, avec l’ancêtre d’Antoine, Tristan Marcas. Lui n’est pas franc-maçon, mais dénonce la passion pour l’ésotérisme des nazis, qui ont pillé les sites des francs-maçons. Maintenant, depuis 2016, les deux séries sont publiées chez JC Lattès, et reprises au Livre de Poche.
Comment avez-vous eu l'idée du présent dispositif, pour vos 20 ans de carrière ?
E.G. : Je voulais écrire un polar personnel.
J.R. : Et moi un vrai roman historique, façon saga. Nous avons expliqué cela à Véronique Cardi, qui nous a suivis. Et on a décidé de paraître à la même date. On a démarré à peu près en même temps, et on s’est laissé de la souplesse, pour terminer en même temps.
Pensez-vous que vous rencontrerez en solo le même succès qu'en tandem ? Et si l'un des deux romans se vend plus que l'autre ?
Notre succès réside dans une alchimie qui nous échappe. La marque n’est pas la martingale gagnante. Il faut que la thématique des romans plaise aux lecteurs. En fait, on écrit, dans la joie et l’émerveillement, les livres qu’on aimerait lire, avec un côté toujours un peu adolescents. Quant au sort des Eveillées et des Ressuscités, pas de souci : nous avons fait contrat commun, à parts égales. Donc pas de compétition entre nous !
Et vos futurs projets ?
Nous reprendrons les enquêtes d’Antoine Marcas l’année prochaine, tout en ne s’interdisant pas d’écrire d’autres livres en solo. Là, on a créé de nouveaux héros, en dehors de notre zone de confort. Un véritable saut dans l’inconnu !